Le secret professionnel des juristes d entreprise sera mieux protégé
La confidentialité des avis émis par les juristes d’entreprises est sortie renforcée d’un récent arrêt de la Cour constitutionnelle.
Lorsque les autorités de la concurrence (européennes ou nationales) soupçonnent des infractions au droit de la concurrence, elles peuvent procéder à des vérifications à l’improviste dans les locaux de l’entreprise visée afin de rechercher les preuves d’éventuelles pratiques anticoncurrentielles. Au cours de ces opérations de vérification, les autorités peuvent saisir les documents qu’elles jugent pertinents pour leur enquête. Y compris les échanges entre le juriste de l’entreprise et la direction.
Le fait que ces documents ne soient pas couverts par la confidentialité, contrairement au courrier entre un avocat et son client, restait depuis longtemps déjà en travers de la gorge des juristes d’entreprises. D’autant que la loi du 3 avril 2013 modifiant le Code de droit économique est venue confirmer ce principe.
Un recours peu effectif
En effet, l’article 79 du livre IV du Code précise que l’Autorité de la concurrence peut faire saisir des avis formulés par les juristes de l’entreprise qui lui serviront d’éléments à charge. Si l’entreprise n’est pas d’accord, elle peut introduire un recours devant la cour d’appel de Bruxelles, mais uniquement au moment de la communication des griefs, c’est-à- dire en fin de procédure, à un moment où les documents auraient déjà pu être exploités.
Pour Hugues Delescaille, directeur de l’Institut des juristes d’entreprise (IJE), «le recours prévu par la nouvelle loi n’est pas effectif puisqu’il n’est pas suspensif à lui seul et qu’il faut attendre une décision qui peut prendre plusieurs mois». «Ceci a pour conséquence qu’entre-temps, la procédure devant le Collège de la concurrence se poursuit, même si une demande d’écartement de pièces a été introduite.»
L’Institut a dès lors attaqué cette disposition devant la Cour Constitutionnelle et obtenu gain de cause dans un arrêt rendu le 10 décembre dernier.
En fait de victoire, il s’agit plutôt d’une demi-victoire dans la mesure où la Cour constitutionnelle a opté pour un compromis entre l’annulation pure et simple de l’article 79 et le respect intégral de la confidentialité des avis des juristes d’entreprise. La Cour a décidé que la protection du secret professionnel pouvait être demandée à tout moment - donc y compris donc avant la communication des griefs - devant la cour d’appel de Bruxelles qui doit alors suspendre la procédure.
Communication saine
«Le secret professionnel n’est pas là pour contourner ou pour violer la loi», précise Hugues Delescaille. «Mais si on souhaite une saine communication entre le juriste et le chef d’entreprise, on doit pouvoir s’assurer que ces informations ne pourront pas faire l’objet d’une saisie à tout moment. Tout comme le patient doit pouvoir tout dire à son médecin, le juriste doit pouvoir tout dire au chef d’entreprise», poursuit-il.
Cette garantie est tout aussi utile pour l’État belge et l’Autorité de la concurrence, estime Hugues Delescaille: «On évite des procédures faussées qui pourraient par la suite être attaquées pour vice déformé.»