29/01/2019

Percer la bulle du PDG

Pourquoi les dirigeants devraient parler moins et poser plus de questions.



PDG
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Si vous êtes PDG d’une grande entreprise – ou même d’une petite – votre plus haute responsabilité est de déceler la nécessité éventuelle d’un changement de direction majeur. Aucune grande réorientation ne peut être décidée sans votre feu vert. Or votre pouvoir et vos privilèges vous coupent – peut-être plus que quiconque dans l’organisation – des informations susceptibles de bousculer vos idées reçues et de la perception des menaces ou des opportunités latentes. Paradoxalement, pour agir comme le réclame votre position dominante, vous devez d’une façon ou d’une autre descendre de votre piédestal.

A en croire Walt Bettinger, PDG de la firme de courtage Charles Schwab, ce dilemme est le « défi numéro 1 » de sa fonction. Il se présente sous deux formes, explique-t-il : « Les gens qui vous disent ce qu’ils croient que vous voulez entendre et les gens qui ont peur de vous dire des choses qu’ils croient que vous ne voulez pas entendre. » D’une manière ou d’une autre, le problème affecte les responsables de tous niveaux, mais « son intensité est maximale au sommet de la hiérarchie ».

Nandan Nilekani, cofondateur d’Infosys et exhaut responsable du gouvernement indien, connaît les dangers du phénomène. « Si vous êtes un dirigeant, vous pouvez vous installer dans un cocon – un cocon de bonnes nouvelles, note-t-il. Tout le monde vous dit “tout va bien, il n’y a pas de problème”. Et puis, le lendemain, tout va de travers. » Et s’il est difficile pour la rumeur des problèmes internes de pénétrer la bulle formée autour du PDG par son pouvoir et sa fonction, cela peut être presque impossible pour des signaux provenant de l’extérieur de l’organisation – surtout s’ils sont faibles et lointains. Ce qui ne va pas sans risque à une époque où les marchés concurrentiels évoluent vite. Lorsqu’un changement radical se profile à l’horizon, ses premiers signes se présentent généralement comme des événements ambigus à la lisière du marché.

J’ai réalisé ces dernières années plus de 200 entretiens avec des cadres dirigeants d’entreprise et je n’en ai rencontré presque aucun qui n’éprouve personnellement ce problème (y compris chez les fondateurs d’entreprises relativement petites). Mais surtout, j’ai constaté que, dans les entreprises très douées pour innover, les dirigeants sont particulièrement attentifs et cherchent à le surmonter. Ils s’efforcent d’abattre les murailles qui les entourent. « Quand vous vous trouvez dans une boîte à l’intérieur d’un bureau, vous devez inventer un moyen d’en sortir », affirme le fondateur d’Amazon, Jeff Bezos. C’est exactement ce que font ces leaders. Ils recherchent délibérément des situations extrêmement différentes où ils auront plus de chances de croiser l’inattendu. Ils s’aventurent hors des sentiers battus et découvrent de nouvelles questions complexes qui débouchent sur des enseignements importants.

Formuler les bonnes questions


S’ils insistent, les P-DG obtiennent presque toujours les informations qu’ils recherchent. Peut-être pas aussi vite qu’ils le voudraient, mais elles finissent par arriver. Plus difficile est d’obtenir les informations qu’ils n’ont pas réclamées, parce qu’ils ne savent pas les demander. Et malheureusement, les faits qu’ils ignorent ne concernent pas seulement d’obscurs recoins d’activités sous- performantes. Ils portent souvent sur des évolutions imminentes qui redessineront les contours de la concurrence future. Ces risques non anticipés sont parfois qualifiés d’« inconnues inconnues » (« unknown unknowns »), selon une formule célèbre de Donald Rumsfeld, ancien secrétaire d’Etat américain à la Défense. « Il y a des connues connues, expliquait-il en 2002. Ce sont des choses dont nous savons que nous les savons. Nous savons aussi qu’il y a des inconnues connues, c’est-à-dire des choses dont nous savons que nous les ignorons. Mais il existe en outre des inconnues inconnues – celles dont nous ignorons que nous les ignorons. Et… c’est cette dernière catégorie qui peut poser des problèmes. »

Donald Rumsfeld parlait des menaces militaires, mais, pour les entreprises aussi, les menaces économiques les plus dangereuses peuvent être celles qui semblent sortir de nulle part. Les pires désastres frappent des entreprises qui n’ont pas vu venir des innovations et de nouveaux acteurs que leurs dirigeants n’imaginaient même pas. Demandez donc aux patrons des entreprises fabriquant des GPS, rendus inutiles par les applications de navigation gratuites sur smartphone, ou à ceux des sociétés de taxis, bousculées par des automobilistes ordinaires devenus chauffeurs via Uber et Lyft.

Le territoire des inconnues inconnues peut souvent être éclairé par une question perspicace. Comme aime à le dire Clayton Christensen, expert en innovation : « Derrière chaque réponse se cache une question. » Mais il est souvent difficile de poser les bonnes questions, souligne Elon Musk, créateur visionnaire de PayPal, SpaceX et Tesla. « Bien souvent, la question est plus ardue que la réponse, note-t-il. Si vous parvenez à l’énoncer correctement, alors la réponse vient aisément. »

Une question originale a aidé Jef Immelt, PDG de GE, à trouver une solution à un problème sérieux auquel sa société était confrontée. Alors que le Web commençait à remodeler l’économie mondiale, la direction de cet énorme groupe industriel centenaire s’interrogeait sur son adaptation à l’ère des startup numériques. Fidèles à une culture forte qui incite à se poser des questions fondamentales dans des « moments d’introspection intense », selon les propos de Jef Immelt, ce dernier et son équipe se sont judicieusement demandé : « GE pourrait-il devenir un “industriel numérique” et qu’est-ce que cela signiierait ? » Cette reformulation a été le premier pas vers l’exploration d’un vaste territoire d’inconnues inconnues, car nul n’avait envisagé jusque-là l’éventualité d’un hybride entre les mondes digital et industriel. L’innovation qui en a résulté, qui associe la maîtrise du monde physique au big data et à l’analytique appliquée pour s’engager dans « l’Internet des objets vraiment grands », a transformé le groupe.

Hélas, les dirigeants ne sont pas plus capables de formuler des questions brillantes à volonté que de déclencher la foudre. Mais ils peuvent augmenter leurs chances d’avoir des éclairs de lucidité s’ils connaissent, puis suscitent ou recherchent les conditions dans lesquelles ces éclairs se produisent.

Il convient en premier lieu de cultiver des contacts avec des publics très divers et de faire savoir qu’on est abordable et d’inciter les autres à s’exprimer. Pour cela, Walt Bettinger manie tout un éventail de tactiques. D’abord, il prend contact régulièrement avec ses partenaires importants – employés, actionnaires, analystes et clients. Chaque fois qu’il rencontre un membre de l’un de ces
groupes, il lui pose la question suivante : « Si vous étiez à ma place, quelle serait votre priorité ? » Elle vise à révéler des opportunités et des menaces qui ne lui seraient pas venues à l’esprit, et, comme elle est formulée de manière impersonnelle, dit-il, les gens sont bien plus susceptibles d’oser livrer des informations. Il visite fréquemment des établissements éloignés du siège et n’omet jamais de dire aux salariés que son plus gros challenge personnel est d’éviter l’isolement, avant de solliciter leur aide. Pour être certain que ses collaborateurs s’abstiendront de filtrer ou d’édulcorer les informations, il leur impose de rédiger deux fois par mois ce qu’il appelle des « rapports d’une honnêteté brutale » comprenant cinq rubriques, dont l’une s’intitule : « Qu’est-ce qui est cassé ? » (il les incite à demander la même chose aux gens placés sous leurs ordres). Et chaque année, pour favoriser l’institutionnalisation d’un état d’esprit vigilant chez Schwab, il convie plusieurs salariés qui ont attiré son attention sur un fait potentiellement important à venir passer une journée au siège, à San Francisco – « à titre non pas de récompense, mais d’encouragement », dit-il.

Sans aller jusque-là peut-être, d’autres leaders ont trouvé eux aussi des moyens de faire apparaître des idées et des informations qui échappaient aux radars. Dans les premières années d’Internet, Marc Beniof, PDG de Salesforce, a parcouru le monde à la recherche de nouvelles idées auprès de dizaines de personnes d’horizons différents. Ce périple lui a inspiré une question qui a révélé une inconnue inconnue capitale : « Pourquoi les logiciels de gestion d’entreprise ne sont- ils pas tous construits comme Amazon ? Pourquoi continuons-nous à les installer et à les mettre à jour alors qu’Internet est là ? » La réponse à ces questions lui a donné l’idée de lancer Salesforce, dont le chiffre d’afaires dépasse aujourd’hui 8 milliards de dollars. Il n’est donc pas étonnant que lui-même et ses directeurs entreprennent régulièrement des « tournées d’écoute » mondiales, à la recherche de signaux stratégiques faibles. Chez Salesforce, les dirigeants participent également à Airing of Grievances (« expression des doléances »), un groupe de discussion ouvert à toute l’entreprise. Il répond au même objectif que les rapports d’une honnêteté brutale de Walt Bettinger : 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, il livre à la direction générale des informations d’alerte avancée, brutes de décofrage, sur ce qui ne fonctionne pas et pourquoi.

Rod Drury, fondateur du néo- zélandais Xero, l’un des éditeurs de SaaS (« software as a service ») les plus dynamiques du monde, passe par les réseaux sociaux d’entreprise pour animer des conversations auxquelles le personnel de toute sa société participe. Mais il ne se limite pas à examiner ce que les autres communique : il y partage aussi la stratégie de l’entreprise et l’analyse du marché. Ses messages invitent tous les collaborateurs de l’entreprise – « même s’ils n’en font partie que depuis dix minutes » – à poser des questions, à émettre des opinions ou à contester des postulats en décalage avec la réalité.

Même si leurs tactiques difèrent, Walt Bettinger, Marc Beniof et Rod Drury illustrent tous trois le gavage d’informations auquel les PDG innovants s’astreignent régulièrement. Ils ne s’en tiennent pas à ça : les cadres dirigeants novateurs se mettent délibérément dans des situations où ils pourraient se trouver inopinément dans l’erreur, spécialement mal à l’aise et étrangement silencieux. Ils augmentent ainsi leurs chances de faire surgir les bonnes questions qui les aideront à détecter des signaux faibles cruciaux.

INOPINÉMENT DANS L’ERREUR


Quel genre de P-DG paie-t-on pour qu’il se trompe ? Les conseils d’administration veulent pouvoir faire confiance aux dirigeants, et les organisations aussi, en général. Pourtant, si les dirigeants tiennent à avoir réponse à tout, ils resteront dans les limites de ce visionnaire fondateur de « The Whole eart catalog et de la communauté en ligne The Well, quelle était la clé de son instinct créatif. Il m’a répondu : « Chaque jour, je me pose la question : ‘‘Sur combien de sujets me suis-je complètement trompé ?’’ » Au cours de mon étude, j’ai raconté cette anecdote à Hasso Plattner, cofondateur de SAP. Il s’est incliné et a confirmé : « C’est ce que je fais chaque matin au réveil !

Innover implique toujours, au moins implicitement, l’aveu de quelque erreur antérieure. Robin Chase a fondé Zipcar après avoir découvert l’autopartage en Europe et constaté l’immense gaspillage imposé à toute la société américaine par l’idée que chacun doit avoir sa propre voiture. Ce genre de mea culpa est le plus positif, car il désigne une opportunité. Plus communément, les entreprises sont forcées de prendre conscience de leurs égarements lorsqu’un nouveau concurrent les menace ou lorsque les défauts de vieilles méthodes deviennent véritablement pénibles.

Reste à savoir comment un dirigeant doit admettre sa faillibilité. Ed Catmull, président de Pixar et de Walt Disney Animation Studios, a pris l’habitude de rencontrer ses nouveaux salariés lors des réunions d’accueil, où il déclare très publiquement qu’il n’a pas réponse à tout. « Je parle des erreurs que nous avons commises et des leçons que nous avons apprises... Il ne faudrait pas que nos succès amènent les gens à croire que nous faisons tout correctement », expliquait-il. A l’en croire, l’erreur est non seulement acceptée, mais encouragée : « Se tromper le plus vite possible, c’est faire le choix d’un apprentissage ambitieux et rapide », assure-t-il dans son livre « Creativity, Inc. ».

Sara Blakely, fondatrice et P-DG de Spanx, célèbre même les échecs pour aider les gens à tirer les leçons de leurs erreurs. Récemment, lors d’un séminaire dans son entreprise, elle a évoqué une série d’instants « oups » qu’elle a personnellement vécus depuis la fondation de Spanx. Et Rod Drury utilise un moyen original pour ne jamais oublier de remettre en question les idées qu’il partage avec les autres anciens de son industrie. « J’adore la théorie du management de George Costanza », m’a-t-il dit. C’est une allusion à un épisode célèbre de la série télévisée « Seinfeld », dans lequel l’infortuné George décide de changer de vie en suivant un nouveau principe : « Si votre instinct se trompe toujours, le mieux doit être de faire exactement l’inverse. » Rod Drury sait que Xero, confronté à des concurrents bien plus grands, ne peut les battre à leur propre jeu mais doit se montrer plus malin en agissant autrement. Il se pose donc cette question : « Quel est l’exact contraire de ce qu’un concurrent en place attend de nous ? » C’est certainement ce qu’il a fait quand il a tout misé sur le cloud en 2005, à une époque où le monde du logiciel était encore fermement cramponné aux applications pour micro-ordinateurs. Cet exercice est souvent divertissant et met sur la voie d’une vérité importante. 

Adrian Wooldridge, qui publie chaque semaine dans « The Economist » des chroniques bien senties, a appris à le faire en observant le légendaire Bob Woodward, l’un des deux journalistes qui ont révélé l’affaire du Watergate. Il posait autour de lui des questions si basiques qu’elles en étaient presque gênantes. Elles donnaient l’impression qu’il n’était au courant de rien. Mais Adrian Wooldridge a vu le résultat : comme Bob Woodward ne dévoilait aucun axe d’investigation clair, ses interlocuteurs étaient plus susceptibles de révéler des choses dont il ne savait pas qu’il les cherchait.

Narayana Murthy, autre cofondateur d’Infosys, demande à son équipe dirigeante d’aborder les questions de la même manière – en renonçant à tout désir d’en « jeter plein la vue ». « J’aide, assure-t-il, en disant que nos questions doivent être, autant que possible, formulées à l’aide de phrases simples. » Qu’elles aient l’air simpliste lui est égal, « car les phrases complexes et les questions à tiroirs introduisent un ensemble de conditionnalités » – autrement dit, des idées préconçues qui limitent la réponse avant que quiconque ait simplement commencé à y réfléchir.


21/01/2019

Vincent Miclet, un escroc en eau trouble en Afrique

400 millions d'euros dans son compte en banque








Au plus fort du scandale, cet été, Alexandre Benalla s’en est allé discrètement séjourner chez un richissime ami français, au Maroc. L’ancien chargé de mission de l’Elysée est arrivé en jet privé à l’aéroport de Marrakech. Une voiture l’y attendait, l’une des trois Bentley Mulsanne circulant dans le royaume. Le chauffeur en gants blancs l’a conduit dans la palmeraie, où la Bentley a franchi les murs ocre du «domaine du Cheval d’or», non loin du palais du roi Mohammed VI, pour pénétrer dans un décor féerique. Trois hectares de jardins luxuriants, un terrain de tennis, deux pis- cines, un spa de plus de 1000 mètres carrés, deux mosquées pour les seize employés en li- vrée et, au cœur de tout cela, un bijou d’archi- tecture arabo-mauresque, des appartements et des salons à la déco tape-à-l’œil... C’est ici que, trois jours durant, M. Benalla a tenté d’échapper à la pression médiatique.

Le maître des lieux s’appelle Vincent Miclet, un Français de 53 ans, détenteur d’un passeport diplomatique béninois, 180e for- tune de France (500 millions d’euros) d’après le magazine Challenges. Avec son sourire cauteleux, ses mèches un peu trop blondes et son regard d’acier, on se dit qu’il aurait pu, sans trop d’effort, jouer un méchant dans James Bond. Voilà trente ans qu’il navigue, au gré des opportunités et des rencontres, dans les coulisses de la Françafrique.

Quand il reçoit Le Monde dans son palais mauresque, un jeudi d’octobre, en costume bleu et cravate rose bonbon, il revient volontiers sur l’épisode Benalla. Leur rencontre s’est faite en 2017, par le biais de l’ancienne petite amie de M. Benalla, à Paris. Les deux hommes s’apprécient et partagent le goût du pouvoir, de l’intrigue, de l’argent et de la diplomatie parallèle en terre africaine, à laquelle s’initie en ce moment l’ancien garde du corps. « Je l’ai invité à se refaire une santé chez moi, précise Vincent Miclet, trois mois après que l’affaire a éclaté. Il devenait fragile, et cette histoire menaçait le chef de l’Etat.» Soupçonné d’avoir recruté le jeune homme pour protéger son ex-compagne, la starlette de télé-réalité Ayem Nour, et le fils qu’il a eu avec celle-ci, puis de l’avoir utilisé pour approcher le président de la République, M. Miclet s’insurge: «Je n’ai jamais employé Benalla, et je n’ai pas besoin de lui pour rentrer dans la Macronie. »

HOMME-ORCHESTRE

Un autre sujet, bien plus sensible, préoccupe aujourd’hui ce quinquagénaire très secret, qui ne s’est jamais exprimé dans les médias et a fait déréférencer du site de L’Obs la seule enquête parue sur lui, en 2013. Cette fois, ce n’est pas de Benalla qu’il s’agit, mais de présomptions du détournement de 400 millions de dollars (355millions d’euros) en Angola, pays pétrolier où il a fait fortune entre 1992 et 2012. Même s’il ne laisse rien paraître, continuant à jouer au tennis chaque matin et à mener grand train dans son domaine du Cheval d’or, Vincent Miclet redoute que la justice angolaise se pique de délivrer un mandat d’arrêt contre lui. Alors, s’il sort du silence, c’est pour plaider lui-même sa cause.

Etrange personnage, à la fois branché et hors du temps, qui trace sa route à contre-courant de l’Afrique actuelle, portée par une nouvelle génération d’oligarques, de certains dirigeants et d’acteurs de la société civile revendiquant une émancipation décomplexée. Le Français leur préfère des leaders à l’ancienne, comme le président autocrate du Congo, Denis Sassou-Nguesso, qu’il côtoie depuis l’enfance et qualifie volontiers de « mentor ».

Vincent Miclet est né au Tchad, où ses parents étaient coopérants, mais c’est au bord du fleuve Congo, à Brazzaville, qu’il s’est initié aux arcanes de la politique et des affaires. Dans les années 1970, sa mère est employée à l’ambassade de France, et lui élève au lycée français Saint-Exupéry. Il y fréquente les enfants du clan de Denis Sassou-Nguesso, puissant ministre nommé président en 1979, ainsi que Jean-Jérôme Feliciaggi, le fils d’un entrepreneur corse omnipotent dans la pêche industrielle et les jeux. Robert Feliciaggi est un homme de réseaux, parfaitement à son aise dans cette Afrique francophone toujours sous l’emprise de Paris, où tout s’achète et tout se vend. Il deviendra bientôt l’autre mentor, avec M. Sassou-Nguesso, de l’ambitieux Miclet. Celui-ci ne fait pas de longues études, mais se lance rapidement dans le commerce de poisson, avec un certain talent. Aujourd’hui, il se vante d’avoir « fait » son premier million de dollars à 19 ans et demi.

Dans les années 1980, il apprend le métier auprès des pirates de la Françafrique pétrolière, ces hommes capables de faire et de défaire des régimes, de monter des finance- ments occultes de campagnes électorales françaises ou de créer des quasi-Etats parallè- les. Parmi eux, André Tarallo, le « M. Afrique » d’Elf Aquitaine. Miclet l’a connu, et apprécié. « C’était un grand monsieur, qui a ramené à la France des pays comme le Gabon, le Congo... Je lui voue une reconnaissance éternelle », dit-il sans ambages, indifférent à la corruption à grande échelle de l’époque et au soutien à des dictateurs kleptocrates. A l’entendre, le système Elf était vertueux et a permis de nouer de solides relations bilatérales. «La France a fait une connerie en dissolvant Elf pour créer Total», déclare-t-il avec la certitude de celui qui a connu le système de l’intérieur.

Lorsque M. Sassou-Nguesso perd l’élection, en 1992, Vincent Miclet sent le vent tourner et rejoint Charles Feliciaggi, frère aîné de Robert, au Cabinda, une enclave angolaise frontalière du Congo. Ensemble, ils importent, entre autres, du riz vietnamien par cargos entiers. Mais devenir le « roi du riz » ne suffit pas à M. Miclet. Il rêve de s’imposer à Luanda, la capitale angolaise. Dans ce pays ravagé par une interminable guerre civile (1975-2002), la violence qui sévit dans les campagnes empêche le bon approvisionnement de la ville, et tout ce qui y est consommé vient de l’étranger. M. Miclet entend s’imposer comme l’importateur en chef. Charles Feliciaggi com- mence par aider celui qu’il appelle «mon petit», mais les deux hommes se brouillent, M. Feliciaggi préférant miser sur les casinos et le PMU, notamment en Guinée Conakry. «Je n’ai jamais touché aux armes ni aux jeux, s’enorgueillit M. Miclet. Sans ça, je serais milliardaire. » Ou mort. Robert Feliciaggi, lui, a été tué par balle, en Corse, en 2006.

L’Angola est un pays plein de promesses, regorgeant d’or noir et de diamants, sous la coupe d’une petite élite gavée aux milliards de pétrodollars détournés. La corruption y a longtemps été la norme. «Chacun son vocable, nuance M. Miclet. Je préfère parler d’accords de partage. En Afrique, on ne fait pas d’affaires sans donner de commissions. » Et sans prendre de risques... Au millieu des années 1990, il faut un certain courage pour s’installer, comme lui, à Luanda, capitale sans infrastructures à la sécurité hasardeuse. Cet aventurier du commerce international excelle dans l’importation de denrées alimentaires, d’uniformes, de bottes pour une armée en passe de devenir l’une des plus puissantes d’Afrique. Il fait même venir de France un « ami », l’ancien gendarme de l’Ely- sée Christian Prouteau, fondateur du GIGN. Celui-ci aidera à professionnaliser la garde républicaine, dont il se vante aujourd’hui d’avoir dessiné les uniformes, trouvé l’hymne et même constitué l’orchestre.

«AU MOINS 30 %»

En dehors des vivres et de l’équipement des troupes, M. Miclet achemine toutes sortes de marchandises, même des tee-shirts et des accessoires made in China pour les campagnes électorales du Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA), au pouvoir depuis 1975. Depuis le petit bureau de sa société, baptisée « Angodis », il s’essaie égale- ment à la production de ciment et à la construction. En quelques années, il devient aussi riche qu’incontournable. A Luanda, où il fréquente Miss Angola, il finira par posséder une demeure extravagante, « plus belle que celle du président », selon un visiteur angolais. Il se sait intouchable. Il faut dire que son associé n’est autre que le tout-puissant général Manuel Hélder Vieira Dias, alias « Kopelipa », un haut gradé affairiste qui a la main sur le renseignement, un accès permanent au président José Eduardo dos Santos et la capacité d’attribuer les contrats les plus juteux.

Ainsi placé au cœur du système, M. Miclet sait se rendre utile. Il aide, par exemple, la banque Lazard à décrocher un mandat de restructuration de la dette du pays, ce qui ne l’empêche pas de pester contre ces Français qui refusent de se plier aux usages locaux et de payer des commissions « d’au moins 30 % ». Bon prince, il vient aussi à la rescousse de l’ambassadeur de France, Guy Azaïs, en plein « Angolagate », un scandale de vente d’armes soviétiques par Paris à Luanda. Dans un contexte de tensions entre la France et l’Angola, sur fond de procédures judiciaires, il facilite une rencontre entre le diplomate et l’influent général « Kopelipa ». Toujours dans l’ombre, il est également en relation avec Bruno Joubert, le « M. Afrique » de l’Elysée sous les présidences Chirac. «Je l’ai vu tra- vailler, sans rien demander en échange, à la reconstruction du lien entre la France et l’Angola, et cela fut très utile, se souvient Jean- Philippe Gouyet, ancien haut cadre de la DGSE (renseignement extérieur) reconverti dans le privé. M. Miclet est profondément africain dans sa manière d’être. Il est resté très secret, même dans le petit milieu de la Françafrique où tout se sait, mais il a été très puissant. »

A Paris, on le voit débarquer en jet privé et déambuler dans sa Rolls immatriculée « VM » avec des ministres angolais. A Luanda, en lien avec « Kopelipa », il s’associe à un géant chinois du bâtiment pour faire sortir de terre des tours d’habitation à loyer modéré. Il tourne le dos aux multinationales françaises, trop frileuses et trop chères à son goût. A l’exception de Necotrans, un petit groupe de logistique portuaire, à la gestion artisanale et audacieuse, fondé par Richard Talbot en 1985. Ensemble, ils créent 5M, une compagnie chargée de gérer le terminal portuaire de Luanda, endroit idéal pour contrôler toutes les importations du pays par voie maritime et engranger ainsi des « bénéfices colossaux », selon un témoin de l’époque. Mais, cette fois encore, M. Miclet se fâche avec son associé. En 2012, il rachète les parts de Necotrans dans 5M, qu’il continue de gérer avec le clan des généraux. Ceux-ci le placent également à la tête de NDAD, une chaîne de 175 supermarchés disséminés dans les dix-huit provinces du pays.

C’est du compte de NDAD, dont il détenait 80% du capital en son nom propre, que Vincent Miclet est aujourd’hui soupçonné par les autorités actuelles de l’Angola d’avoir effectué des virements frauduleux vers une autre de ses sociétés, PointPark Finance Limited, établie aux îles Vierges britanniques. Un nom qui ressemble étrangement à celui de la société offshore de « Kopelipa » au Panama, dénommée, elle, « PointPark Trade ». Vincent Miclet a-t-il voulu abuser son partenaire et protecteur « Kopelipa » en jouant sur les noms de ces sociétés pour aspirer une partie des centaines de millions détournés ? Lui dément. Il fait valoir un accord de paiement de dette, passé en février 2015, et assure que ses affaires, auditées par le cabinet Deloitte, sont en règle.

Ces accusations, distillées dans la presse angolaise, surviennent dans un contexte de spectaculaire lutte contre la corruption, menée par le nouveau chef de l’Etat, Joao Lourenço, au pouvoir depuis septembre 2017. Cet apparatchik du MPLA a trompé ceux qui le disaient à la solde de son prédécesseur et s’est montré impitoyable à l’égard de certains milliardaires de l’ancien régime. Un fils de l’ex-président est en prison, de même que son associé suisso-angolais et plusieurs minis- tres. « Kopelipa » lui-même est sur la sellette, mais semble épargné pour l’instant, peut-être grâce aux secrets d’Etat qu’il détient. Quant à Vincent Miclet, ce Français que le Tout- Luanda considère comme l’« homme de paille » du général, il se retrouve donc en première ligne face aux offensives judiciaires.

DANDY DE GRAND CHEMIN

Lui-même rejette l’image de prête-nom.

« Tout ça n’est que de la manipulation de certains généraux qui ont voulu me détruire », se défend-il installé dans son bureau à l’allure de « QG » présidentiel, au rez-de-chaussée de son palais mauresque, décoré de trois grands drapeaux, de la France, du Maroc et de l’Angola, ses « pays fétiches », comme il dit. Sa cible principale ? Le général Leopoldino Fragoso do Nascimento, alias « Dino », un temps conseiller spécial de « Kopelipa » et connu pour ses manœuvres financières. « L’Afrique m’a tout donné, et l’Angola m’a tout repris à un moment, poursuit-il entre une bouffée de cigarette et une gorgée de rosé. Je me suis fait avoir, mais ce sont ces généraux pourris qui me doivent au moins 250 millions de dollars ! J’ai d’ailleurs contre-attaqué devant un tribunal de Luanda, et j’ai confiance dans le nouveau président, qui fait ce qu’il dit.» En réalité, le Français joue son va-tout en dénonçant un système dont il a pleine- ment profité du temps de l’ancien régime. Son destin dépend en partie du président Lourenço, qui peut l’enfoncer ou le rétablir.

«Miclet a été le faux nez pour le clan des généraux, mais ça a mal tourné », résume l’un de ses anciens associés. L’entrepreneur a quitté l’Angola en 2012. A la hâte. Il a dû mobiliser son entregent pour obtenir l’autorisation de décollage de son jet, cloué au sol. Plusieurs sources affirment qu’il a fui en raison d’un différend financier avec son partenaire d’alors : « “Kopelipa” lui en veut à mort, confie un homme d’affaires bien introduit à Luanda. Miclet était associé aux gens les plus corrompus et les plus dangereux du pays. Il s’est cru intouchable et a fini par voler des voleurs, qui ne lui ont pas pardonné.» Interrogé sur ce point, l’intéressé esquisse un sou- rire carnassier : « Moi, je suis un bonhomme, et j’ai de quoi me défendre à Luanda, où je suis retourné en février 2016. J’y suis resté trois mois, sans que rien ne m’arrive. » Avant de tenter de convaincre, et de parler de lui à la troisième personne avec l’aplomb de celui qui veut y croire : « En Angola, l’enfant prodige Vincent Miclet revient dans les prochaines semaines. » Un diplomate angolais au fait du dossier nuance : « Il est sous enquête de la justice, mais n’est pas encore visé par un mandat d’arrêt et peut donc revenir en Angola. A ses risques et périls. C’est une question de temps pour que “Kopelipa” soit inquiété par la justice... Si “Kopelipa” tombe, Miclet tombe. »

Mais, pour ce dandy de grand chemin, l’Afrique reste un vaste terrain d’affaires. Dès 2012, à son départ d’Angola, il s’imagine un dessein pétrolier au Gabon. Pour s’introduire à Libre- ville, il peut compter sur les efforts de son ami Christian Prouteau. L’ancien gendarme se dit prêt, à l’époque, « à [se] porter caution, malgré les infos des services », selon des mes- sages téléphoniques entre les deux hommes, interceptés par des policiers français au détour d’une enquête. Prouteau l’informe du rôle pris par Frédéric Bongo, actuel directeur des services de renseignement gabonais, « qui a pris du galon » et se démène pour obte- nir un rendez-vous avec son demi-frère le président Ali Bongo.

En Françafrique comme ailleurs, les réseaux des uns peuvent nourrir ceux des autres. Ou se heurter à des adversaires coriaces... Ainsi, l’arrivée de Vincent Miclet au Gabon est vue d’un mauvais œil par l’un des hommes forts du pays: Michel Tomi, présenté par la police française comme le dernier des parrains corses. Cet homme de 71 ans, connu pour avoir bâti un empire dans les jeux et le bâtiment en Afrique francophone, entretient des relations privilégiées avec Ali Bongo et s’est fendu d’un coup de téléphone peu amène à Vincent Miclet, lorsqu’il a eu vent de ses velléités gabonaises. Peu importe. M. Miclet pense avoir déjà trouvé son nouveau « Kopelipa » en la personne du Béninois Maixent Accrombessi, influent directeur de cabinet du président gabonais, détenteur des secrets du régime et homme d’affaires incontournable pour qui veut décrocher des contrats dans l’Etat pétrolier.

MM. Miclet et Accrombessi parlent le même langage, celui des alcôves des palais présidentiels et des soirées fastueuses. Ils ont aussi en commun la passion de la pêche et un goût prononcé pour la vie bling-bling et la spiritualité, catholique pour le Français, vaudou pour le Béninois, volontiers prosélyte sur le sujet. Les deux quinquagénaires se lient d’amitié. Vincent convie Maixent dans son somptueux château de Fleurac, en Dordogne ; il lui prête l’un de ses jets privés, un Global Express parmi les plus luxueux au monde, qu’il louera ensuite à des chefs d’Etat ; il lui vend un Boeing 777 acheté aux Etats-Unis et restauré au Royaume-Uni. A Paris, l’un et l’autre font appel au même avocat pénaliste, Me Francis Szpiner, familier des intrigues franco-africaines. Avec sa société PetroPlus Overseas, M. Miclet dépense des dizaines de millions de dollars pour réaliser son « rêve d’enfant » : acquérir des permis pétroliers. M. Accrombessi l’aide à en obtenir deux.

« LE PÉTROLE, C’EST COMME LE CASINO »

Ces derniers temps, le vent a tourné. Depuis que Vincent Miclet est tombé en disgrâce en Angola, les fonds à investir se tarissent et, surtout, ne lui rapportent rien à court terme. Ses permis pétroliers, obtenus en 2011 dans le nord du Mali, où le djihadisme et la grande criminalité s’entremêlent, restent inexploités et lui sont finalement retirés. Au Gabon, ça ne va guère mieux. A l’été 2016, Maixent Accrombessi a été victime d’un AVC, un an après avoir été arrêté à sa descente d’avion, à Paris, dans le cadre d’une enquête qui lui vaudra d’être mis en examen pour « corruption » et « blanchiment en bande organisée ». Dépourvu de son « protecteur» et de moyens pour développer de l’offshore, extrêmement coûteux, Vincent Miclet voit l’un de ses permis au Gabon lui être retiré, sans dédommagement.

Sa compagnie pétrolière, désormais établie en Turquie pour des raisons fiscales, a aujourd’hui des allures de coquille vide. Au point que la lettre spécialisée Africa Intelligence qualifie Vincent Miclet de « pétrolier virtuel ». « Le pétrole, c’est comme le casino, une chance sur deux de gagner», répète-t-il, comme pour se convaincre. Pour le moment, il perd et tourne en rond dans son palais de Marrakech ou sous les ors de son château de Fleurac, acquis en 2009 pour 3,7 millions d’euros. Après l’avoir équipé d’un bowling et d’une discothèque privée, il y a donné des fêtes que l’on dit mémorables.

A Paris, où tout le petit monde de la França-Afrique se connaît et s’épie, ses détracteurs le surveillent en attendant le moindre faux pas pour l’enfoncer. L’arrestation en France, en 2009, de l’un de ses chauffeurs occasionnels, en possession de 2,5 kilos de cocaïne, donne l’occasion d’alimenter les rumeurs. Le chauffeur sera condamné en 2010, mais Vincent Miclet, entendu par la police, ne sera pas mis en cause dans cette affaire. Jusque-là, il n’a d’ailleurs jamais été épinglé par la justice. Bien que son étoile pâlisse, il continue ses affaires. Ou du moins il essaie. Sans grande conviction, il a formulé une offre de reprise du groupe portuaire Necotrans, celui de Richard Talbot, son défunt associé d’autre- fois, dont l’héritière n’a su gérer la suite. Sa proposition n’a pas été retenue, et Necotrans a été liquidé à l’été 2017. Sur le plan politique, M. Miclet a tenté, en vain, de financer la campagne présidentielle, au Bénin, de Lionel Zinsou, en 2016, qui a échoué. Au Mali, il a ensuite donné un coup de main logistique à Soumaïla Cissé, candidat malheureux à la présidentielle d’août 2018. Partout, sa vision du pouvoir s’aligne avec celle, simpliste, du président américain, Donald Trump, qu’il cite en exemple et montre en vidéo sur l’un de ses smartphones : « En Afrique, il faut un pouvoir fort. »

« PAS D’AMALGAME »

En attendant que l’on décide de son sort en Angola, M. Miclet a récemment réorienté son activité vers la Guinée-Bissau et la République centrafricaine, deux pays à risque, économiquement exsangues et délaissés par les entrepreneurs français. Lui y voit son nouvel Angola et s’enthousiasme en parlant de pêche en Guinée-Bissau ou en expliquant vouloir aider la République centrafricaine, minée par la guerre et la grande pauvreté, à mieux capter les recettes du diamant. Le voilà proche du président centrafricain, Faustin-Archange Touadéra, dont le conseiller diplomatique a vainement tenté, en août, de l’imposer dans une délégation officielle auprès de responsables de l’Elysée, en vue de préparer une rencontre avec Emmanuel Macron. Il aurait bien voulu en être, mais l’Elysée l’a écarté.

A Bangui et à Bissau, cet entrepreneur à l’allure de Gatsby de la Françafrique détonne, et ça lui plaît. En France, il est un ovni esseulé et incompris. Il ne se rend que quelques jours par an dans son château de Fleurac, qu’il cherche à vendre. Il se séparerait bien aussi de son luxueux six-pièces au cœur du 16e arrondissement de Paris, situé un étage en dessous de celui de son « pote », Marc Francelet, un ancien journaliste aujourd’hui lobbyiste à la réputation sulfureuse, qui a un temps aidé Alexandre Benalla. Pour gérer son patrimoine immobilier, Vincent Miclet a récemment chargé l’épouse d’un homme lié au banditisme corse, actuellement incarcéré, de gérer bénévolement les SCI détentrices de son château et de son appartement. « Cela n’a rien à voir avec les activités passées de son mari, dit-il agacé. Il ne faut pas faire d’amalgame. C’est une amie et une femme très bien, qui essaie d’avancer. »

L’homme est ainsi fait qu’il s’active tous azimuts et pilote son empire de sable depuis son domaine de Marrakech. Un jour pour louer son jet Global Express à des chefs d’Etat africains et des hommes d’affaires du Congo. Un autre pour tenter de convaincre le chef des services de renseignement d’Angola de son innocence. Son espoir ? Accéder au nouveau président angolais ou à Emmanuel Ma- cron. Alexandre Benalla feint, pour sa part, de s’être éloigné de lui, non sans amertume, tout en le prévenant de notre appel à peine le téléphone raccroché. «Je ne le considère pas comme un ami et je n’entretiens aucune rela- tion personnelle ou d’affaires avec lui, confie l’ancien chargé de mission de l’Elysée au Monde. Il a voulu se servir de moi, comme beaucoup d’autres. » Christian Prouteau semblait sur la même ligne, en 2014, alors qu’il était entendu par la police française dans une affaire concernant l’escroc Christophe Rocancourt : « Vincent est sympathique et tout ce qu’on veut, mais il a tendance à vouloir diriger tout le monde et à considérer les autres comme un peu moins que rien.» Désormais sans parrains, Vincent Miclet, en quête de nouvelles aventures, semble bien seul au milieu de la palmeraie.