30/11/2018

Les cabinets d’avocats capturent l’octroi de brevets

Des agences de régulation exercent un pouvoir économique important 

Leurs décisions créent des bénéfices et des coûts pour un grand nombre d’entreprises et de consommateurs. Depuis longtemps, les chercheurs s’interrogent sur les risques d’un détournement de la régulation (« regulatory capture », en anglais) lorsque des firmes recrutent des employés des agences qui avaient pris des décisions les concernant. Ces employés auraient-ils tendance à favoriser les firmes susceptibles de les embaucher plus tard ?

Il a toujours été difficile de savoir si ces risques étaient réels. Un document de recherche du National Bureau of Economic Research américain permet de les estimer (« From Revolving Doors to Regulatory Capture ? Evidence from Patent Examiners », Haris Tabakovic et Thomas G. Wollmann, NBER Working Paper n° 24638, mai 2018).

Les auteurs ont examiné plus de un million de décisions prises entre 2001 et 2015 par plus de 8 000 examinateurs de brevets à l’Office américain des brevets et des marques (US Patent and Trademark Office – USPTO). En moyenne, 63 % des demandes de brevet sont acceptées. Ils ont aussi observé les embauches de ces examinateurs par les demandeurs de brevet (principalement des cabinets d’avocats) après une période de travail à l’USPTO.

Les auteurs constatent que les demandes de brevet sont plus souvent acceptées (avec un écart de 9 à 12points) par des examinateurs qui ont été plus tard embauchés par les firmes demandeuses. Mais, l’allocation des demandes aux employés de l’USPTO étant aléatoire, il ne peut a priori s’agir de l’effet d’un choix de l’examinateur par le demandeur. En revanche, ce différentiel pourrait être le résultat d’un choix des demandeurs de recruter des examinateurs qui leur avaient rendu auparavant, en tout bien tout honneur, le service de prendre des décisions positives à leur égard.

Pour déterminer la direction de la causalité, les auteurs ont regardé si les décisions étaient également plus positives en faveur de demandeurs chez lesquels l’examinateur aurait souhaité travailler. Pour détecter cette catégorie, les auteurs s’appuient sur l’idée que les gens marquent souvent une préférence pour un lieu de travail : si un examinateur en vient à travailler pour un cabinet d’avocats à San Francisco, on peut deviner qu’il aurait été intéressé par d’autres cabinets à San Francisco plutôt qu’à New York.

Des coûts significatifs

En l’occurrence, les demandeurs localisés à proximité de ceux qui finissent par embaucher l’examinateur en question ont aussi des chances élevées de voir leur demande acceptée. Il en est de même pour les demandeurs localisés dans la ville où l’examinateur a fait ses études, ce qui pourrait indiquer également une préférence pour y vivre plus tard. En revanche, ce deuxième constat n’est pas observé pour les examinateurs qui ne sont pas embauchés par la suite par des demandeurs. L’hypothèse d’un biais de la part des examinateurs en faveur de demandeurs localisés dans leur ville de prédilection apparaît donc vraisemblable. Ces biais auraient-ils une incidence sur l’efficacité du système d’octroi de brevets ? Les citations ultérieures des brevets octroyés dans des revues scientifiques sont un indice utile de leur qualité, car un brevet de haute qualité sera souvent utilisé et donc souvent cité. Or, les brevets accordés à des demandeurs qui finissent par embaucher l’examinateur reçoivent entre 21% et 27% de moins de citations en moyenne.

Les biais de détournement de la régulation semblent donc avoir des coûts significatifs, en tout cas pour le système de brevets. Cela ne signifie pas forcément qu’il faudrait interdire l’embauche d’examinateurs par des demandeurs, car cela pourrait décourager des personnes de talent de travailler à l’Office des brevets. Mais maintenant que l’on dispose d’une mesure empirique relativement fiable de la nature des biais entraînés par un tel système, on peut commencer à mieux réfléchir sur la façon de les réduire, si possible...



29/11/2018

La formation des espions du GRU

Des négligences opérationnelles ont sorti de l’anonymat plus de 300 agents du renseignement militaire





GRU
les espions du GRU

Rien ne transparaît derrière la façade anonyme de l’unité militaire 45-807, le siège moscovite de la direction du renseignement militaire russe, plus connue sous son vieil acronyme soviétique, le GRU. Mais à l’intérieur, l’heure est plutôt au bran-le-bas de combat depuis que les noms de plusieurs dizaines de ses agents clandestins ont été révélés, et leurs visages parfois exposés sur la place publique.

En l’espace de quelques semaines, 305 agents sont ainsi sortis malgré eux de l’anonymat, auxquels il faut ajouter douze agents inculpés aux Etats-Unis, quatre autres expulsés des Pays-Bas, et deux, enfin, recherchés par le Royaume-Uni. Du jamais-vu.

« Seulement 305 agents ont été révélés, mais aujourd’hui plus d’un millier sont paralysés », précise Roman Dobrokhotov, rédacteur en chef du site d’investigation russe The Insider. Ce dernier, en association avec Bellingcat, un site britannique, est à l’origine d’une bonne partie des fuites.

Leur travail en commun a notamment abouti, mi-octobre, à la divulgation, photos et témoignages à l’appui, de l’identité des deux agents du GRU, Anatoli Tchepiga, alias « Rouslan Bachirov », et Alexandre Michkine, alias « Alexandre Petrov », suspectés d’avoir tenté d’empoisonner un ancien de la maison devenu un agent double, Sergueï Skripal, et sa fille, Youlia, en mars, à Salisbury, en Angleterre. Cette affaire a déjà conduit à la plus vaste expulsion coordonnée de diplomates russes d’Occident.

Depuis, les informations ont continué à affluer. Mi-octobre toujours, les Pays-Bas révélaient avoir expulsé Alexeï Morenets, Evgueni Serebriakov, Oleg Sot- nikov, et Alexeï Minine, quatre agents du GRU pris en flagrant délit sept mois plus tôt en train de pirater le réseau informatique de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques à La Haye.

Des indices laissés négligemment ont permis de les identifier. Non seulement, les téléphones portables de ces espions étaient enregistrés à Moscou, mais il a suffi d’une note de taxi trouvée sur l’un d’eux pour remonter... jusqu’à l’unité militaire 26-165, c’est-à-dire l’une des principales antennes moscovites du GRU. Sur cette base, en fouillant dans les sources ouvertes sur Internet ou dans des données accessibles au marché noir, des journalistes sont parvenus à infiltrer l’un des piliers du renseignement russe.

Révélations à répétition

A partir d’un nom, celui d’Alexeï Morenets, trouvé dans les fichiers de la police routière, il leur a été aisé de croiser tous ceux qui, comme lui, avaient leur véhicule immatriculé à la même adresse, celle du GRU. De fil en aiguille, les passeports se sont révélés quasi identiques puisqu’ils possédaient un même numéro de série. Les adresses personnelles renvoyaient aux mêmes immeubles d’habitation... Des dizaines d’agents se sont ainsi retrouvés à découvert.

Toutes les données personnelles ont été masquées lors de leur parution, mais le mal est profond. Chasseurs, les agents du GRU sont eux-mêmes devenus traqués. Leurs biographies, leurs états de service et jusqu’aux opérations auxquelles ils ont participé s’étalent désormais en place publique. « C’est d’une simplicité déconcertante, assure Roman Dobrokhotov en prenant pour exemple l’un de ses premiers dossiers d’enquête, lorsque les autorités du Monténégro avaient dénoncé en 2016 – un an avant leur entrée dans l’OTAN – une tentative de coup d’Etat impliquant des Serbes et des agents du GRU. L’un d’eux, Eduard Chirokov, avait financé les Serbes en utilisant Western Union avec comme adresse émettrice celle... du GRU. Et comme il avait déjà été expulsé de Pologne en 2014 [où il aurait travaillé comme attaché militaire adjoint sous le nom d’Eduard Sismakov], il était assez facilement traçable... » La Russie a toujours démenti ces accusations en les qualifiant de « calomnies ».

Ces révélations à répétition nourrissent les soupçons à Moscou. A plusieurs reprises, Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des affaires étrangères, a ainsi accusé The Insider d’être l’instrument de services étrangers. « C’est faux bien sûr, mais c’est assez amusant, car cela crédibilise plutôt nos informations, ironise son rédacteur en chef, Roman Dobrokhotov. Avant, elle disait que c’était des “fake news.” » Fondé en 2013, The Insider emploie treize journalistes. Et ils ne sont pas les seuls à chercher les failles.

Récemment, le journaliste Sergueï Kanev, qui enquête pour Dossier Center, un autre site, créé par l’opposant en exil à Londres Mikhaïl Khodorkovski, révélait que le groupe des « quatre » de La Haye était piloté par Alexeï Minine, diplômé de la première « fac » du GRU, le service de renseignement stratégique où sont formés les « costards », c’est-à-dire ceux envoyés sous couverture diplomatique à l’étranger ou comme représentants de grandes entreprises russes. Or, selon lui, Viktor Iliouchine, attaché militaire adjoint en France invité à quitter le territoire en 2014 après avoir tenté d’obtenir des informations sur l’entourage intime de François Hollande, sortait tout droit des mêmes bancs.

Autre lien mis au jour par le journaliste du site Meduza, basé à Riga (Lettonie), Daniel Tourovski : l’unité militaire 26-165, située à Moscou – la même que celle d’où Alexeï Minine a pris son taxi avant de s’envoler pour les Pays-Bas – abriterait le centre principal des hackeurs russes. Rien n’indique, précise-t-il, que le GRU serait lié aux « usines à trolls » de l’homme d’affaires proche du Kremlin Evgueni Prigojine, montrées du doigt dans l’ingérence russe lors de l’élection américaine en 2016. Mais des « dizaines » de centres de recherches informatiques travailleraient pour l’armée.

Contexte troublé

En mai 2017, quelques jours à peine avant l’élection présidentielle en France, WikiLeaks avait publié les archives des correspondances d’Emmanuel Macron et de son QG. Selon Daniel Tourovski, neuf de ces lettres avaient été modifiées par un employé de plusieurs instituts de recherches associés au GRU.

Dans ce contexte troublé, le président russe, Vladimir Poutine, a célébré le 2 novembre le centenaire du GRU, fondé à Petrograd (redevenue Saint-Pétersbourg) en novembre 1918 par une ordonnance secrète de Léon Trotski (un nom qu’on ne prononce plus en Russie, encore aujourd’hui) et tenté de conforter ses troupes.«En tant que commandant en chef suprême, je connais, sans exagérer, vos capacités uniques, y compris dans le cadre d’opérations spéciales », a-t-il déclaré après avoir rendu un hommage appuyé à l’institution pour son rôle joué depuis 2015 sur le terrain en Syrie.

Mais les critiques ont commencé à pleuvoir dru sur le chef du GRU, Igor Korobov. Nommé par M. Poutine en janvier 2016, ce dernier figure déjà dans les listes des sanctions américaines, après l’attaque des serveurs démocrates durant la campagne présidentielle américaine – ce qui ne l’a toutefois pas empêché d’assister, avec les deux autres piliers du renseignement russe, Sergueï Narychkine, patron du renseignement extérieur, et Alexandre Bortnikov, chef du FSB (ex-KGB), à une réunion sur l’antiterrorisme en janvier à Washington... D’autres devraient le rejoindre sur les listes noires américaines et européennes.

« C’est une catastrophe, s’insurge Alexandre Goltz, expert militaire. Les dirigeants russes, fascinés par leurs opérations dans le cyberespace, n’avaient pas prévu une telle riposte, mais comme ils s’en sont aperçus, Internet est une arme à double tranchant. Il s’avère que les journalistes sont capables de trouver des informations sur des agents hypersecrets. » Effaré par cette « masse de détails insensés », Valeri Chiriaïev, vice-directeur du journal indépendant Novaïa Gazeta et lui- même ancien officier du KGB, juge « énormes les dégâts causés à l’état- major et à la défense ».

Dans l’affaire Skripal, « la transformation d’un message terrible adressé à tous les traîtres d’Etat en un vaudeville honteux suscite un vif ressentiment », affirme-t-il en déplorant l’absence de couverture : « Ils ne se sont même pas donné la peine de construire une légende ». La version « touristes » avancée par les deux agents du GRU suspectés d’avoir tenté d’empoisonner les Skripal père et fille, et contraints de s’expliquer à la télévision sur ordre du Kremlin, n’a en effet convaincu personne.

« Redéploiement des activités »

« Une erreur tactique a été commise, car, pendant six mois, les Britanniques n’ayant donné aucun indice, le Kremlin a pensé qu’ils n’avaient pas assez de preuves. Poutine a fait une énorme erreur en pensant qu’ils n’avaient que les visages, juge Alexandre Baounov, rédacteur en chef du think tank Carnegie en Russie. Dans les années 1990, une grande quantité de cadres sont partis dans le business, ou dans le crime, et d’autres encore à l’étranger. Les services spéciaux ont dû se réadapter sans être réellement prêts à la guerre hybride. »

« Au travail traditionnel des attachés militaires et d’espionnage industriel se sont ajoutées des missions purement politiques : travail clandestin contre des journalistes et des structures publiques, ingérence dans les processus politiques... », déplore Valeri Chiriaïev. « Le redéploiement des activités tous azimuts du GRU a considérablement augmenté les risques », souligne Alexandre Goltz.

Si Vladimir Poutine avait salué en héros les « petits hommes verts », les Spetsnaz, les forces spéciales du GRU débarquées en 2014 en Crimée sans insignes pour prendre le contrôle de la péninsule ukrainienne, la suite des opérations de ses agents dans le Donbass, quoique démenties par le Kremlin, s’est révélée moins fructueuse. Arrêtés en 2015 dans la région de Louhansk, Alexandre Alexandrov et Evgueni Erofeïev avaient reconnu faire partie des forces spéciales du GRU stationnées à Togliatti, avant d’être échangés en 2016 contre la pilote ukrainienne Nadejda Savtchenko. Le début d’une série noire.




17/11/2018

Des navy Seal assassinent un béret vert au Mali

LA SEAL TEAM 6 ET DES MARINES DES FORCES SPÉCIALES


SEAL TEAM 6

Le sergent Logan J. Melgar, un beret vert assassiné par c'est collègue de l'armée


La NAVY a formellement accusé un membre de la SEAL Team 6 d’avoir étranglé un béret vert l’année dernière, puis d’utiliser ses compétences de médecin du terrain pour trancher la gorge de la victime et tenter de truquer les faits afin de couvrir le meurtre.

Les détails de l'assassinat présumé du sergent-chef de l'armée Logan Melgar, du 3ème groupe des forces spéciales, alors qu'il servait dans le Mali en Afrique de l'Ouest, en juin 2017, ont été publier hier par la marine dans le cadre des poursuites contre deux membres de l'équipe SEAL Team 6 et deux forces spéciales Marines.

Les quatre membres de la force anti-terroriste et Melgar participaient ensemble à un groupe de travail antiterroriste basé à l'ambassade américaine à Bamako, capitale du Mali. L'unité a fourni des renseignements et une formation aux forces militaires maliennes dans leur combat contre les insurgés islamiques affiliés à Al-Qaïda.

La mort de Melgar dans les premières heures de la matinée du 4 juin 2017 a provoqué une profonde scission au sein de la communauté des opérations spéciales de l'armée, qui considérait l'assassinat et la tentative de dissimulation présumés comme un signe de l'anarchie de l'équipe d'élite du SEAL Team 6.

Les documents publiés par les militaires décrivent une agression préméditée qui a tourné au meurtre, suivie par une dissimulation qui à durée plusieurs mois par les accusés de l'equipe du SEAL et de la Marines.

Bien que les quatre soldat d'élite aient été inculpés de meurtre, d'homicide involontaire, de complot, d'obstruction à la justice et de cambriolage, les documents montrent que le Navy SEAL, qui aurait étranglé Melgar à mort, serait le plus sinistre du groupe. La marine américaine n'a pas dévoilé les noms des militaires, mais d'autres médias ont déjà identifié l'homme qui aurait étranglé Melgar sous le nom d'Anthony DeDolph (sous-officier) et l'autre SEAL comme étant le premier maître Adam Matthews. DeDolph fait face à la plupart des accusations.

DeDolph, un médecin qualifié, aurait procédé à une trachéotomie sur Melgar - une procédure médicale destinée à ouvrir la gorge et insérer un tube pour permettre le passage de l'air - afin de "dissimuler les preuves des blessures" infligées à la gorge de Melgar. Un médecin légiste a déterminé par la suite que sa gorge était écrasée, selon deux personnes qui ont examiné l'autopsie de Melgar.

Les accusations indiquent que les quatre militaires sont entrés par effraction dans la chambre de Melgar alors qu'il dormait et l'ont "ligoté avec du ruban adhésif." Selon des sources proches de l'enquête, DeDolph a ensuite étranglé Melgar "avec un étranglement", tandis que Matthews et au moins l'un des Marines ont retenu Melgar.

Les documents divulgués par l’armée ne traitent pas du motif de l’attaque, mais des sources proches de l’enquête du service d’enquête criminelle de la marine ont précédemment indiqué que les relations de Melgar avec DeDolph et Matthews étaient exécrable au moment de l’agression nocturne.

Melgar avait indiqué à sa chaîne de commandement que les deux SEAL volaient de l'argent sur un fonds opérationnel utilisé pour payer des informateurs. Une personne informée de l'enquête a également déclaré que DeDolph et Matthews avaient nié leur vol et avait affirmé aux enquêteurs que c'était Melgar qui volait de l'argent et qu'ils l'avaient confronté à ce sujet.

Les enquêteurs ont également découvert que DeDolph et Matthews avaient embauché des prostituées lors de leur mission à Bamako et avaient utilisé leur logement commun à l'ambassade avec Melgar pour des soirées sexe. Melgar s’est plaint que les SEAL aient fait pression sur lui pour ne pas avoir pris part à un comportement qu’il considérait comme illégal et inapproprié.

Les chefs d’accusation retenus contre les quatre personnes n’incluent pas le meurtre avec préméditation, et les enquêteurs n’ont trouvé aucune preuve qu’ils avaient prévu de tuer Melgar. «C’est un passage à tabac qui a mal tourné», a déclaré un officier des opérations spéciales à la retraite, informé de l’enquête.

Les quatre hommes sont entrés par effraction dans la chambre de Melgar à 5 heures du matin, alors que Melgar dormait et ont lancé l'attaque, selon des documents militaires. Les enquêteurs croient qu'après avoir réalisé que Melgar était décédé, la dissimulation a commencé. DeDolph et Matthews ont amené le corps de Melgar, gravement endommagé par la trachéotomie, dans une clinique française de Bamako, où il a été déclaré mort.

Une partie de l'histoire de couverture initiale de la mort de Melgar était que lui et DeDolph s'étaient engagés dans une lutte «mutuellement initiée», comme l'un des Marines l'a décrite aux enquêteurs, devant la porte de Melgar à 5 heures du matin. DeDolph était un professionnel des arts martiaux mixtes c'etait un combattant de la MMA avant de rejoindre la Marine.

Les SEAL et les Marines ont fait une série de déclarations fausses ou trompeuses au cours d'une période de six mois, incluant l'affirmation selon laquelle Melgar était ivre lorsque les SEAL et les Marines sont arrivés dans sa chambre. Un rapport de toxicologie a déterminé par la suite que Melgar n'avait pas d'alcool dans son système au moment de son décès. Selon d'autres personnes familières avec l'enquête du NCIS et des documents militaires, les mensonges ont commencé à s'effondrer.

Selon un ancien chef de l’équipe 6 du SEAL, qui travaille comme consultant pour l’unité de l'armée americaine, les dirigeants du commandement ont discrètement encouragé la marine à engager des poursuites contre DeDolph et Matthews, dans le but de les éloigner du commandement du SEAL pour ne pas nuire à la réputation des forces spéciales.

L’accusation de Melgar selon laquelle DeDolph et Matthews volaient dans les fonds des informateurs a mené à une enquête plus vaste sur des malversations financières potentielles chez SEAL Team 6, impliquant l’utilisation abusive d’argent destiné à des fins opérationnelles et imprévues.

«Nous honorons la mémoire du sergent d’état-major. Melgar, nos pensées restent avec sa famille et ses coéquipiers », a déclaré le capitaine Jason Salata, porte-parole du Commandement des opérations spéciales dans un communiqué. «Si ces allégations d'inconduite sont avérées, elles représentent une violation de la confiance et des normes requises de tous les membres du service. Nous faisons confiance aux membres de notre service pour protéger les intérêts les plus sensibles de notre pays et le faire avec honneur. "

Une accusation de «Article 32», l’équivalent militaire d’une procédure devant un grand jury, est prévu pour le 10 décembre à Norfolk, en Virginie, près du siège de l’équipe 6 du SEAL.

Les quatre accusés sont en service actif et restent libres, la marine ayant déterminé qu'ils ne présentaient aucun risque de fuite.


11/11/2018

Batailles pour le controle de la mer noir

L'enclavement de la mer d'Azov par Moscou accroit les tensions dans la mer Noire voisine, ou ce côtoient et se confrontent les Russes, les pays de l'Otan et l'Ukraine.




La mer Noire
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09/11/2018

Un citoyen chinois en Belgique extradé vers les Etats-Unis

Xu Yanjun aurait cherché à obtenir des secrets industriels auprès de firmes aéronautiques d'apres le FBI

https://www.wcpo.com/news/local-news/hamilton-county/cincinnati/not-guilty-plea-entered-in-ge-aviation-espionage-case

La justice américaine a obtenu l’extradition d’un pseudo espion chinois accusé d’avoir tenté de voler des secrets aéronautiques civils à General Electric, qui fournit des moteurs à Boeing et à Airbus. "L’espion", Xu Yanjun, agent du ministère chinois de la sécurité d’Etat, avait été arrêté le 1er avril en Belgique, leurré par le FBI. Les autorités belges ont donné leur feu vert à l’extradition, qui s’est déroulée mardi 9 octobre.

Les extraditions sont rarissimes, parce que les Chinois soupçonnés se réfugient habituellement dans leur pays ou pratiquent le cyberespionnage. Le cas présent relève de l’espionnage classique : selon l’acte d’accusation américain rendu public mercredi 10 octobre, M. Xu a cherché à obtenir des secrets industriels à partir de 2013 auprès de firmes aéronautiques, dont General Electric. L’homme s’est fait passer pour vice-secrétaire général de l’Association pour la science et la technologie du Jiangsu. « Le client ne connaît pas notre identité », se réjouit M. Xu dans un message de décembre 2013, contenu dans l’acte d’accusation.

Pour soutirer de précieuses informations d'apres le FBI, il a invité un salarié de General Electric à faire une simple présentation en Chine en juin 2017 des dernières innovations technologiques de l’entreprise sur les lames et des matériaux de ses aéroturbines, le rémunérant 3500 dollars (3000 euros). Pendant l’hiver 2018, M. Xu demande communication de documents sur ordinateur. Il se montre impressionné et propose un déplacement en Europe, où l’employé lui permettra de copier le disque dur de son ordinateur. La rencontre a lieu le 1er avril, et M. Xu est arrêté.

Faire des exemples d'apres le FBI

Le détail du piège n’a pas été révélé, mais le FBI a fortement communiqué sur cette affaire. Ce cas «fait partie d’une politique de développement de la Chine aux dépens des Etats-Unis. Nous ne pouvons pas tolérer le vol de la puissance de feu de la nation et le fruit de notre savoir-faire. Nous ne tolérerons pas qu’un pays récolte ce qu’il n’a pas semé », a déclaré John Demers, assistant du procureur général pour la sécurité nationale. « Les accusations américaines sont du vent », a répondu jeudi le porte-parole de la diplomatie chinoise, Lu Kang.

La justice américaine cherche à faire des exemples en condamnant des espions. Dans cette période de fort sentiment antichinois, la presse regorge de cas. Cet été, le fabricant d’éoliennes chinois Sinovel a été condamné pour avoir volé au début de la décennie le logiciel de son fournisseur, American Superconductor, et s’est engagé à lui verser 57,5 millions de dollars.

Le dossier de l’espionnage économique était censé avoir été partiellement réglé sous le règne de Barack Obama, lorsque fut révélé en 2013 que l’armée chinoise organisait le cyberespionnage des industriels occidentaux, par le biais d’un groupe de hackeurs. L’année suivante, la justice américaine avait mis en accusation plusieurs militaires chinois – inextradables –, le président Obama avait haussé le ton et avait pu annoncer, en septembre 2015, aux côtés du président Xi, à Washington, que les deux pays cesseraient de se livrer à du cyberespionnage industriel.

L’accord a conduit à une réduction apparente de ces pratiques, mais l’heure n’est pas à la conciliation. Le 4 octobre, le vice-président américain, Michael Pence, s’est livré à une virulente diatribe contre Pékin, l’accusant de harceler la marine de guerre américaine en mer de Chine et d’interférer dans le processus électoral américain. Plus classiquement, il a aussi accusé la Chine d’organiser « le pillage généralisé de la technologie américaine ». Une analyse au fond partagée par les Européens et les Japonais, qui ont condamné, fin septembre, dans un communiqué commun avec les Etats-Unis, « le vol de secrets commerciaux et informations sensibles ».

La guerre commerciale débutée à l’hiver 2018 est un conflit à tiroirs. Le premier grief porté par Donald Trump concernait le déficit commercial bilatéral, qui s’explique par la faible capacité exportatrice des Etats-Unis et n’a pas de solution rapide. Le second conflit concerne les règles de l’Organisation mondiale du commerce, que la Chine ne respecterait pas en subventionnant ses entreprises et en forçant les entreprises américaines à transférer leur technologie aux Chinois pour opérer sur leur territoire. Pékin a fait mine de bouger, mais pas assez aux yeux de l’administration Trump, qui estime que ses prédécesseurs Obama et Bush fils se sont fait mener en bateau. Donald Trump a donc décidé de droits de douane qui frappent une Chine endettée et en ralentissement économique.

Mais ces conflits révèlent au fond un seul reproche, fondamental, contre les ambitions de leadership de Pékin, énoncées dans son plan Made in China 2025, dans les technologies du futur. Ce crime de lèse-puissance envers les Etats-Unis menace de faire tourner la guerre commerciale en guerre froide sino-américaine. L’annonce de l’arrestation de M. Xu intervient quelques heures après que le directeur du FBI, Christopher Wray, a jugé devant une commission du Sénat américain que la Chine constituait « la menace la plus vaste, la plus complexe, la plus durable ». « Par de nombreux aspects, la Russie lutte pour garder son rang depuis la chute de l’Union soviétique. Son combat est dans le présent. La Chine livre la bataille de demain », a commenté le patron du FBI.


08/11/2018

Disruption dans le marché du diamant à Anvers

Le nombre de tailleurs de diamants s’est effondré dans la ville belge, où a été inventé le brillant à 57 facettes. Qu’elle émane d’autres grandes places comme Dubaï et Moscou ou d’Internet, la concurrence est particulièrement féroce

Manuella Merckx fronce les sourcils. La directrice opérationnelle du Diamond Office, le bureau de contrôle des importations et des exportations de diamants, sis à Anvers, aurait dû être avertie de notre arrivée par les vigiles, à l’entrée de l’immeuble du 22 Hoveniersstraat. « Ce n’est pas la procédure », s’agace cette Belge à la poignée de main ferme.

Cet office de contrôle est installé dans les étages de l’Antwerp World Diamond Center (AWDC), l’équivalent de la chambre de commerce et d’industrie des diamantaires d’Anvers, en plein cœur du Diamond Square Mile, quartier sécurisé de la ville portuaire où patrouillent militaires et policiers, 24 heures sur 24. C'est aussi le lieu d'un casse du siècle, qu'est le cambriolage du Diamond Center à Anvers, en Belgique, qui a lieu dans la nuit du 15 au 16 février 2003 dans une banque située en plein cœur du quartier diamantaire d'Anvers. Des voleurs dérobent le contenu de 123 des 160 coffres-forts sans que les systèmes d'alarme ne se déclenchent. Le butin, des diamants, de l'or et des bijoux de grande valeur, est estimé à 100 millions d'euros, ce qui était le record mondial en matière de diamants.

A lui seul, le Diamond Office est censé symboliser la droiture et la transparence que revendiquent les marchands de diamants de la place. Tous les jours, des milliers de pierres brutes et taillées entrent et sortent de cet immeuble moderne. Sous le regard de fonctionnaires et du bureau des douanes, dix-sept experts assermentés par l’Etat belge contrôlent le contenu des paquets sous scellés en provenance ou à destination de l’étranger, en dehors de l’Union européenne.

Le geste est adroit, rapide, presque mécanique. D’un coup de cutter, l’expert tranche les sacs plastiques zippés qui contiennent les sachets de diamants. Puis il verse le contenu de chacun dans le plateau métallique d’une balance électronique pour en vérifier le poids, exprimé en carats (un carat équivaut à 0,2 gramme). D’un œil, il compare le poids annoncé sur la facture à celui qui apparaît sur l’écran de pesée. De l’autre, à l’aide de sa loupe, il contrôle la classification du diamant établie par le bureau de contrôle de l’AWDC. Objectif: vérifier la valeur du lot, qui détermine le montant de la TVA et son prix en dollars. La monnaie américaine demeure la devise officielle du secteur.

« MÉTHODE DE CONTRÔLE TRÈS STRICTE »

En cette matinée d’octobre, quelques secondes auront suffi à cet expert assermenté pour faire tinter les 213 carats de pierres brutes d’origine russe présentées par un diamantaire israélien à destination d’un tailleur anversois. A l’en croire, cette dizaine de gravillons de carbone pur valent bien les 900.000 dollars (790 000 euros) annoncés sur les documents de douane.

Au bureau des exportations, un autre expert vérifie le contenu d’un petit sachet à expédier chez Richemont, numéro deux mondial du luxe. Cette fois, ce sont des milliers de brillants, aussi fins que des grains de sucre cristallisé. Montant : plus de 172 000 dollars. Dans quelques minutes, ils seront placés dans une fourgonnette blindée de la Brink’s pour être livrés aux ateliers de Cartier. D’après l’agente chargée de l’exportation de ce lot, la marque du groupe suisse Richemont les a commandés pour les cadrans de ses montres.

« Chaque jour, plus de 220 millions de dollars transitent dans nos locaux », assure Mme Merckx, tout en vantant cette « méthode de contrôle unique et très stricte», garde-fou belge contre la corruption, le blanchiment d’argent sale et le commerce de diamants en provenance de pays interdits – dont le Liberia – qui, encore bien souvent, entachent la réputation de ce commerce mondial générant 80 milliards de dollars de chiffre d’affaires.

La presse est rarement conviée dans ce saint des saints. Mais, si l’AWDC ouvre ses portes, c’est pour mieux défendre Anvers, le berceau du brillant. Il y va de son salut. En effet, le négoce de la pierre brute lui échappe de plus en plus. Les plates-formes électroniques de vente entre professionnels se multi- plient. Et les sociétés minières ont revu leurs méthodes. Les producteurs russes, qui représentent près d’un tiers du marché, vendent à Moscou. C’est le cas notamment d’Alrosa.

Son concurrent, De Beers, premier producteur mondial, a quitté Londres pour organiser les « vues » de ses pierres à Gaborone, capitale du Botswana, l’un des premiers fournisseurs de diamants de la planète. Ce qui « a favorisé Dubaï» comme site de négoce, décode Jean- Marc Lieberherr, président de l’association Diamond Producers Association (DPA), qui défend les intérêts des minières. D’autant que l’émirat attire les tradeurs de diamants en leur accordant une fiscalité avantageuse. Depuis, la place de Dubaï profite de sa situation géographique proche de l’Inde, où sont envoyées « 85 % des pierres brutes pour être taillées en diamants », rappelle M. Lieberherr.

« RÉDUIRE LES FLUX ET LE TEMPS »

Sur le sous-continent indien, les marques les plus réputées se fournissent à moindre coût. L’Inde tire parti de ses 1,2 million de tailleurs, qui travaillent dans les ateliers de Surate (Ouest), à 300 kilomètres au nord de Bombay (Mumbai). Les fabricants de bijoux achètent de quoi monter des «pavages » propres aux bagues modernes bon marché. Dès lors, les compagnies minières ont tendance à vendre directement leurs pierres brutes à Bombay, non loin de ces milliers de petites mains. Il faut faire vite. D’autant que, toujours à proximité, le marché chinois du diamant s’envole. Les consommateurs de l’ex-empire du Milieu raffolent des solitaires, modèle préféré des fiancées américaines qu’ils ont découvert en regardant des séries télévisées.

Toute la filière s’emploie donc à faire fi des intermédiaires. « A réduire les flux et le temps » entre la mine de diamant et le doigt, commente Jean-Marc Lieberherr. La ville d’Anvers n’en ressort pas gagnante. Certes, 80% des pierres brutes transitent encore par la ville médiévale. Mais le secteur ne compte plus que 1 600 diamantaires, contre 1 800 il y a sept ans, selon l’AWDC. Le nombre de tailleurs anversois ne cesse de baisser. Ils ne sont plus que 500. «Dans les années 1970, Anvers en comptait 40 000 », rappelle une porte-parole.

Le secteur espère désormais résister à la déferlante d’Internet, qui impose son nouveau modèle économique. L’américain Blue Nile en a été le pionnier. Ce site vend aux Américains des solitaires bon marché, en ne payant ses pierres aux diamantaires qu’une fois la bague commandée. Résultat : zéro stock. Ce sont les diamantaires qui doivent en supporter le coût, au risque de fragiliser leur trésorerie.

Anvers a des atouts. La ville tire avantage de sa contiguïté avec le bassin de consommation européen. Plusieurs réseaux continuent de se fournir là. Guérin, la filiale de bijouterie du groupe Galeries Lafayette, y achète des lots. « La qualité y est permanente », note Stéphanie Manon, directrice de collection de cette enseigne aux 40 points de vente en France. Gemmyo, site Internet de vente en ligne de bijoux, s’y fournit « par commodité », selon Charif Debs, son président. Et les marques de luxe, filiales des groupes cotés LVMH, Kering ou Richemont, y dénichent les plus belles pièces. « En toute sûreté », car « Anvers, c’est la haute couture du diamant », observe M. Lieberherr.

Un robot pourrait-il sauver Anvers? L’AWDC fonde beaucoup d’espoir sur l’automatisation de la taille. Son centre de recherches a présenté, en mai, une machine automatisée qui taille et polit les diamants bruts de dix à vingt fois plus vite que la main de l’homme ; quatre- vingt-dix minutes suffiraient pour achever les 57 facettes d’un diamant, contre une journée de travail d’ordinaire. «C’est une révolution », estime l’AWDC. Quatre entreprises la testent depuis mai. Ce procédé «pourrait ramener une partie de la taille à Anvers », admet Stéphane Fischler, diamantaire anversois et président du Conseil mondial du diamant. Son nom – Fenix – évoque d’ailleurs celui de l’oiseau légendaire qui renaît de ses cendres.
Baunat ou le pari de la vente en ligne de bijoux en diamant

les fondateurs de baunat patientent. La revente de leur start-up à un grand groupe viendra en son temps. Fondée il y a dix ans à Anvers, en plein cœur du Diamond Square Mile, cette PME em- ployant vingt-cinq personnes, notamment dans la ville belge et à Paris, vend en ligne des solitaires, des bagues et autres bracelets en diamant.

Stefaan Mouradian et Steven Boelens en ont eu l’idée alors qu’ils travaillaient chez Blue Star, gros fournisseur indien de pierres précieuses brutes et taillées. Ensemble, ils créent Baunat en s’inspirant un peu de l’américain Blue Nile, pionnier de la vente en ligne de bijoux racheté en2017 par un consortium de fonds, dont Bain Capital, pour 500 millions de dollars (440 millions d’euros).

L’objectif des entrepreneurs belges ? Vendre sans intermédiaire des bijoux aux millennials, cette génération de consommateurs âgés de moins de 30 ans accros au commerce en ligne, en se fournis- sant à Surate, dans l’ouest de l’Inde. Car, comme on vend un bidon de peinture en fonction de son RAL (couleur), de sa finition et de son poids, « il est possible de vendre un diamant sur Internet», explique M. Mouradian. La standardisation de cette pierre en fonction de son poids exprimé en carats (1 carat = 0,2 gramme), de sa teinte, d’un blanc extrême au jaune teinté, de sa pureté et de sa forme (brillant, marquise, poire, etc.) facilite la vente sur écran.

Baunat propose à ses clients une gamme courte et des petits prix, notamment pour les modèles à présenter lors d’une demande en mariage. La start-up les obtient en signant l’achat de la pierre auprès des diamantaires après sa vente au particulier. Contrairement aux bijoutiers, la société n’a pas à supporter les coûts liés à un éventuel stock de diamants. 


02/11/2018

La mafia israelienne

Résumer

10 janvier 2013, attentat en plein centre de Tel-Aviv, neuf blessés...mais ce n’est pas une faction terroriste palestinienne qui est impliquée : la cible s’appelle Nissim Alperon, le chef de l’une des familles du crime organisé israélien. Chaque semaine, on annonce des règlements de compte. Les organisations mafieuses israéliennes comptent parmi les plus violentes et les moins connues également. Certaines se contentent d’opérer à l’intérieur de l’Etat hébreu et dans les pays voisins, mais d’autres se sont implantées en Europe de l’est et de l’ouest, dans les principales villes du continent américain, ainsi qu’en Afrique du sud, en Australie et au Japon. Prostitution, blanchiment d’argent, racket, drogue, trafic d’armes, recel de biens volés, contrebande des diamants...les activités de cette mafia sont nombreuses.

Les sommes générées par le crime en Israël, avec ses ramifications à l’étranger, sont tellement importantes que la mafia israélienne est arrivée à corrompre des personnalités politiques. Autant la police est efficace dans le combat contre le terrorisme palestinien, autant elle semble désarmée face à un crime structuré militairement.
À travers et des révélations et des détails inédits, ce livre retrace l’histoire des mafieux « blancs et bleus » depuis 1948. Dans une galerie de personnages tels Zeev Rozenstein, les frères Meïr et Itzhak Aberjil, Charlie Aboutboul, Rico Shirazi, le «parrain en kippa» Shalom Domrani et quelques dizaines d’autres, décortique des organisations souvent opaques et nous entraîne dans un monde de prédateurs bâtissant leur empire illégal grâce aux cadavres qu’ils laissent derrière eux.

Tandis qu'Ariel Sharon vient de mourir pour la seconde fois, vient de paraître une enquête inédite sur la mafia israélienne dont un chapitre est justement consacré au Likoud, le parti du défunt et dont nous publions ci-dessous d'enrichissants extraits
Rendez-vous au Likoud

L’assassinat de Yaakov Alperon a fortement affaibli sa famille, mais ses frères ne baissent pas les bras même si leur influence est plus limitée. Leurs affaires se poursuivent principalement dans la partie centrale de l’État hébreu, et ils gardent leurs nombreuses connexions au sein de la société civile. Surtout au Likoud, le parti nationaliste de Binyamin Netanyahou et d’Ariel Sharon au gouvernement de manière quasi ininterrompue depuis 1977.

Car les Alperon sont de droite, des partisans du Grand Israël qui ne s’en cachent pas. Si cela ne tenait qu’à eux, ils materaient les Arabes et les Palestiniens « comme il se doit ».
Au début des années deux mille, en pleine intifada, «Moussa» Alperon était plus qu’un simple adhérent au Likoud: il militait activement dans la section de Ramat Gan. Mieux, il était un cadre du parti, un délégué à la convention de sa formation, son instance centrale composée de 2 900 membres chargés de définir la ligne politique générale et de désigner les candidats à la Knesset.
Au sein de cette structure, chaque section du Likoud dispose d’un nombre de mandats calculé au prorata de l’importance de son effectif. Ramat Gan en détenait soixante-dix-neuf à l’époque.

Étant donné le rôle crucial joué par la convention du Likoud dans la vie politique israélienne du début des années deux mille, la présence en son sein d’un « mafieux » patenté – presque diplômé – ne pouvait pas passer inaperçue. Outre la presse, qui dénonce « l’infiltration du principal parti de gouvernement par la criminalité organisée », des élus hurlent au loup, ou plutôt à la « perte de nos valeurs ». Dans la foulée, quelques militants de longue date convoquent les caméras pour déchirer spectaculairement leur carte.

«Moussa» Alperon doit réagir. En 2002, sollicité de toute part, il renonce à son mandat en affirmant «trop aimer le parti pour lui causer un préjudice». «Des amis me font comprendre que ma présence gêne, je m’en vais », déclare-t-il au micro de Kol Israël, la radio publique.

L’incident ajoute au malaise d’une formation rongée par les querelles intestines et éclaboussée par des affaires nauséabondes, des rumeurs de trafic d’influence et de corruption éclaboussant plusieurs de ses responsables dont le premier ministre Ariel Sharon, ainsi que ses fils Gilad et Omri. Homme de confiance de son père, ce dernier est chargé des questions politiques sensibles, ainsi que du financement des campagnes électorales. Tout passe par lui. C’est un personnage des coulisses, mais son pouvoir est énorme.

En 1999, pour financer la campagne victorieuse de l’ex-général à la présidence du Likoud, Omri Sharon avait eu besoin d’argent. De beaucoup d’argent: d’un million et de demi de dollars au moins, récoltés par le biais de sociétés écrans censées effectuer des sondages et des études bidon. Un procédé classique mais illégal en Israël comme dans de nombreux autres pays démocratiques. Une technique efficace en tout cas, puisque l’ex-général, héros de la guerre de Kippour n’a jamais manqué de fonds pour promouvoir sa carrière. Élu à la tête de son parti, il a d’ailleurs remporté dans la foulée les élections législatives de 2001 et décroché le portefeuille tant convoité de premier ministre de l’État hébreu. Pourtant, l’élection de Sharon à la présidence du Likoud n’était pas jouée d’avance. Chargé de tracer le chemin puis de conforter la position de son père, Omri a dû ratisser large. Peu lui importait que ses soutiens soient «casher» ou pas: il fallait qu’ils apportent de l’argent et de l’influence.

C’est dans ce contexte qu’Omri Sharon a rencontré «Moussa» Alperon et que ce dernier l’a aidé à encarter les milliers de nouveaux membres élisant à leur tour des délégués à la convention. Étant donné la réputation du mafieux, sa collaboration avec le fils de l’ex-général devait rester discrète, et ce fut le cas. À l’époque, « Moussa » Alperon n’avait pas encore rendu son mandat de délégué à la convention. Il disposait de nombreux contacts lui permettant de jouer au poisson pilote en introduisant son nouvel ami auprès de nombreux délégués susceptibles de soutenir son père contre le maire de Jérusalem Ehoud Olmert, qui briguait lui aussi le fauteuil de leader du parti.

La famille Alperon a commencé à militer au Likoud lorsqu’elle résidait encore à Givat Shmouel. Là, elle faisait tout simplement la pluie et le beau temps au conseil local en jouant de ses muscles. Personne ne pouvait se faire élire sans son soutien. Dans les années quatre-vingt, la réputation sulfureuse des frères n’empêchait d’ailleurs pas les « bonzes » du Likoud de les fréquenter au vu et au su de tous. Plusieurs rapports policiers de l’époque témoignent d’ailleurs que des photos dédicacées et d’autres montrant les truands serrant la main de politiques étaient affichées bien en vue sur un mur de l’Auberge des Tigres, l’établissement de Shoshana Alperon-Barski qui servait de quartier général à la famille.

C’est la raison pour laquelle la section de Ramat Gan du Likoud intéressait beaucoup la PNI à la fin des années quatre-vingt-dix. Elle l’intéressait d’autant plus qu’au-delà de «Moussa», on y croisait plusieurs autres militants au casier judiciaire chargé et aux connexions avérées avec le milieu. Parmi ceux-ci, Shlomi Oz, un propagandiste plein d’allant et réputé pour son dynamisme qui allait devenir président de la section le 18 février 2003, au terme d’une élection contestée. Un combat épique entre la vieille garde des militants représentée par le maire de Ramat Gan et les jeunes hussards avides de pouvoir.

Oz ordres des Alperon
Né à la fin des années cinquante à Kyriat Shmona d’une mère tunisienne, Shlomi Oz – Aziza de son vrai nom – a débuté sa vie professionnelle comme ouvrier dans une petite usine d’impression sur textiles sise à Pardès Katz. Une PME vivotant tranquillement et dont il est devenu associé après avoir convaincu le PDG des potentialités du marché.

Ambitieux et intelligent, le jeune homme voyait loin. Plus loin que Pardès Katz en tout cas. Il voulait réussir dans la grande ville, à Tel-Aviv. Parallèlement à ses activités dans le textile, il a donc ouvert un bar à bières baptisé «HaOhel», «la tente». Un établissement comme on en trouvait peu à l’époque et qui attirait une clientèle de marginaux, de paumés, et de petites frappes. Parmi celles-ci, Yaakov Alperon, « le Boxeur » dont les poings inspiraient déjà la crainte, mais qui n’était pas encore devenu le parrain que l’on connaîtra plus tard.

Le courant passe rapidement entre les deux hommes. Au point que Shlomi Oz abandonne son café pour participer aux activités de récupération de créances de la famille Alperon. Pour la façade, il passe pour un simple employé, mais en réalité, il coordonne les opérations de « protection » menées avec l’aide d’Amir Mulner et du gang de Ramat Amidar.

Suite logique de cette collaboration, la première condamnation judiciaire de l’ex-cafetier est prononcée en 1987 et la suivante deux ans plus tard. Dans le cadre cette dernière affaire, « le Boxeur », Oz et seize autres complices sont reconnus coupables d’extorsion de fonds, mais également de faux-monnayage. Ils voulaient inonder le marché israélien avec deux millions de dollars en fausse monnaie.

Shlomi Oz en prend pour trente-deux mois, mais est libéré en 1990 après un an et deux mois de détention. Il jure alors qu’il a compris la leçon et se lance dans les affaires immobilières. Pourtant, l’ex-taulard n’a pas vraiment quitté le monde interlope. En marge de ses affaires légales, il ouvre en effet une taverne dans une zone industrielle du sud de Tel-Aviv où les casinos clandestins prolifèrent. Un établissement fréquenté par des usuriers, des truands de bas étage, des joueurs en mal de fonds. L’homme partage les idées politiques de « Don Alperon ». Il soutient le Betar de Jérusalem, le club de football lié au Likoud et dont les membres sont connus pour leur racisme anti-arabe .D’ailleurs, il en écoule les billets.

À première vue, la réinsertion de Shlomi Oz est un modèle du genre. À la fin des années quatre-vingt-dix, son passé semble oublié. Bien sûr, on chuchote dans son dos mais personne n’évoque quoi que ce soit en public, et certainement pas au Likoud dont il est devenu un militant actif.



À l’occasion des primaires de 1999, le cœur de l’homme d’affaires penche en faveur d’Ariel Sharon, mais il n’est pas un ingrat. Il se souvient que durant ses ennuis judiciaires pour faux-monnayage, Ehoud Olmert a été l’un des seuls à le soutenir en écrivant au tribunal pour se porter garant de sa «bonne moralité». Le maire de Jérusalem étant lui aussi candidat à la présidence du Likoud, Oz se met donc à son service en mobilisant ses amis délégués à la convention. Mieux: il verse une contribution conséquente à la caisse électorale de son poulain. C’est interdit par la législation israélienne mais peu importe : il présente l’affaire comme un prêt qu’Olmert et le directeur financier de sa campagne Abraham Hirshzon rembourseront un jour. Peut-être...

Grenouillages
Olmert n’avait aucune chance face à Sharon. Une fois élu à la présidence du Likoud, ce dernier a d’ailleurs eu l’intelligence de l’intégrer dans le premier cercle de ses conseillers pour ne pas s’en faire un ennemi qui lui aurait mis des bâtons dans les roues. Quant à Shlomi Oz, il s’est placé sous les ordres d’Omri, le fils du nouveau chef de file du parti.

En 2003, fort du soutien du clan Sharon et de la famille Alperon, Oz, l’ex-taulard accède à la présidence du Likoud de Ramat Gan, devenant du même coup membre de droit de la convention du parti. C’est une belle victoire pour Shlomi Oz, mais elle est de courte durée puisqu’il est arrêté le lendemain, suivi par son épouse Ofra, par son cousin Shaï Azoulai, par un certain Benny Tabin, dont on reparlera un peu plus loin, ainsi que par quelques complices dont Rony Sasson, un ancien détenu condamné pour trafic de stupéfiants et détention d’armes de guerre.

De quoi la PNI accuse Oz ? De n’avoir jamais abandonné ses activités illégales et de continuer à réaliser des coups. Entre autres, une escroquerie dans laquelle la banque Leumi, la deuxième institution financière israélienne, a perdu 4,5 millions de shekels, soit plus de 900 000 euros.

En effet, en mai 2000, Rony Sasson a déposé plusieurs chèques émis par la « Northern star company Ltd », une société dont Shaï Azoulai était l’actionnaire principal et le directeur général, sur un compte ouvert auprès de la banque Leumi victime de l’escroquerie. La Northern star disposait d’un compte à la banque Mizrahi dont le personnel venait fort opportunément d’entamer un mouvement de grève. Lorsque le guichetier de la Leumi a voulu effectuer les vérifications d’usage afin de se faire confirmer par la Mizrahi que les chèques étaient couverts, il n’a évidemment trouvé personne à qui parler. Ce qui ne l’a pas empêché de créditer le compte de Rony Sasson. Le lendemain, ce dernier s’est présenté dans une agence de la Leumi pour prélever une somme en liquide équivalente au montant des chèques en bois déposés la veille. Simple, facile, efficace... et lucratif, cette embrouille.

L’argent n’a pas traîné dans les poches de l’escroc. Shlomi Oz et Benny Tabin ont touché leur part, ainsi que Meïr Hasson et Benny Ravizada dit « le Requin », les rois du prêt usuraire impliqué dans le siphonnage de la Banque HaMiskhar.

Durant ses interrogatoires, Rony Sasson a accusé le président de la section du Likoud de Ramat Gan d’être le cerveau de l’escroquerie de la Leumi. Crédible ? En tout cas, pour la PNI, sa présence dans le dossier est lourde de signification. Parce que l’on ne peut évoquer le nom de Shalom Oz sans faire référence à la famille Alperon, et parce que les enquêteurs chargés de boucler le dossier de la Banque HaMiskhar avaient également détecté sa présence discrète dans certaines séquences de cette affaire.

Lorsque Shlomi Oz ne s’était pas encore imposé à la tête du Likoud de Ramat Gan, il a en effet cogéré un compte bancaire avec Meïr Hasson, lui-même directement impliqué dans la combine de la Banque HaMiskhar. De ce fait, il a – sciemment ou non – profité d’une partie de l’argent «pompé» dans les caisses de cet établissement.

De plus, lorsque le scandale du siphonnage des caisses de la banque HaMiskhar est arrivé à son épilogue et qu’Ofer Maximov, l’une de ses figures centrales de la combine, a été séquestré afin de pousser sa sœur à voler davantage d’argent, Shlomi Oz ne se trouvait jamais bien loin... en compagnie de son ami Gabriel Ben Harosh, le chef d’antenne de l’organisation Aberjil aux États-Unis.
Autre « coïncidence » : peu avant la reddition à la police de sa sœur Etty Alon, Ofer Maximov a été «protégé» – «séquestré» selon le parquet – par des vigiles de la société « Tsevet Bitahon », « équipe de sécurité » en hébreu. Or, cette entreprise de gardiennage était dirigée par Benny Tabin, un proche de Shlomi Oz et d’Omri Sharon1. Le monde est décidément petit...

Une autre figure intéressante ce Benny Tabin. Affilié de longue date du Likoud et délégué à la convention de ce parti bien qu’il réside... en Espagne, ce partisan du Grand Israël est alors un proche du clan Sharon. Mais également un vieil habitué des tribunaux israéliens. Dans les années quatre-vingt, lorsqu’Olmert était trésorier du Likoud et que la législation sur le financement des partis politiques n’interdisait pas grand-chose, Tabin aidait son parti à remplir ses caisses électorales selon les méthodes coutumières de l’époque. C’est-à-dire en délivrant aux entreprises donatrices des factures correspondant à des prestations inexistantes, à des études bidon, des recherches sans consistance, et des ordres de publicité dans des périodiques à diffusion confidentielle.
Ce financement douteux a donné lieu à de nombreuses combines qui mériteraient à elles seules la rédaction d’un livre. Quoi qu’il en soit, Tabin et Olmert ont été inculpés en 1989, mais le futur premier ministre de l’État hébreu – qui est un ancien avocat – a réussi à convaincre le tribunal qu’il ne connaissait pas la provenance des fonds incriminés. Qu’« on » avait abusé de sa crédulité et qu’il s’était montré «trop naïf». «Je n’ai jamais posé de questions, je faisais confiance », a-t-il déclaré aux juges et ceux-ci l’ont cru. Olmert a donc été acquitté, ce qui lui a permis de poursuivre une carrière politique qui l’a mené jusqu’au sommet de l’État. Quant à son factotum, il en a pris, lui, pour huit mois.
(...)

L’auteur : Serge Dumont
Belgo-israélien, Serge Dumont a été journaliste au Vif/L’Express (Bruxelles). Installé à Tel-Aviv depuis lors, il a collaboré au quotidien Maariv et à l’hebdomadaire Hanachim. Il est aujourd’hui correspondant permanent des quotidiens Le Soir (Bruxelles), Le Temps (Genève), La Voix du Nord (Lille). En février 2011, lynché dans une rue Caire par les partisans d’Hosni Moubarak alors qu’il couvrait le Printemps arabe, arrêté à deux reprises, détenu au secret par les services de sécurité égyptiens, il a été libéré grâce à la mobilisation des journaux auxquels il collabore ainsi que de la diplomatie européenne.