Alors que l’économie britannique ralentit depuis plusieurs mois, les investisseurs attendent la fin de l’incertitude liée au vote du 23 juin. Les conséquences économiques d’un Brexit restent pourtant très floues.
Alors que débute la saison estivale britannique, les grands patrons voudraient paraître sereins. Lors de l’inauguration, le 23 mai, de l’exposition florale de Chelsea, le premier grand événement d’une série de festivités qui se poursuivront avec les courses équestres d’Ascot, le géant de l’acier Lakshmi Mittal a croisé dans le flot des invités le magnat des médias Rupert Murdoch et un nombre incalculable de grands noms de la City de Londres. Malgré les sourires, les tenues de gala et le crépitement des flashs, dans les allées fleuries, les regards en coin et les discussions murmurées des banquiers, assureurs et dirigeants de hedge funds ont trahi leur inquiétude : le référendum du 23 juin affecte déjà leur activité. Comme nous l’a récemment expliqué un développeur immobilier désireux de rester anonyme, « de nombreux projets immobiliers importants, prêts à être lancés, ont été stoppés net depuis l’annonce de la date du référendum en début d’année. Les investisseurs les ont rangés dans leurs tiroirs en attendant le 23 juin ». Des faits corroborés par d’autres acteurs du secteur. Une poignée de jours plus tard, les statistiques officielles ont confirmé cette tendance.
Les investissements des entreprises britanniques ont reculé de janvier à mars 2016, comme au trimestre précé- dent. Une première depuis les difficultés enregistrées en 2012 après le lancement de la politique d’austérité du Premier ministre David Cameron. Signe que le deuxième trimestre 2016 sera du même acabit, le responsable du portefeuille des Finances, George Osborne, a revu sa pré- vision de croissance pour l’année 2016 largement à la baisse, de 2,4 % à 2 %. « Ce sont autant d’indications claires de la peur que ressentent les entreprises vis-à-vis des effets d’un Brexit », estime Joshua Mahony, analyste de la société de services financiers IG. «Et elles vous font vous demander à quoi la croissance et les investissements ressembleront si le RoyaumeUni devait quitter l’Union européenne…» L’économie britannique ralentit, mais les grands patrons commencent seulement à élever la voix pour exprimer leur appréhension. Tous craignent en effet, et en premier lieu le secteur des services, que leur prise de position contre le Brexit soit montée en épingle par la presse tabloïd et leur aliène de nombreux clients. Surtout que leur avis est loin d’être fédé- rateur. En direct à la télévision, Stuart Rose, l’ancien président du groupe Marks & Spencer, nommé leader du groupe de campagne officiel favorable au maintien au sein de l’UE, a admis il y a quelques semaines qu’une réduction de l’immigration entraînerait une baisse de la maind’œuvre et potentiellement une hausse des salaires. Avant d’ajouter : « Mais ce n’est pas forcément une bonne chose. »
Depuis, Stuart Rose n’est quasiment pas réapparu dans les médias. Le camp du maintien n’a sans doute pas apprécié que, par cette déclaration sortie du fond de son cœur, il ait exposé l’écart plus que jamais grandissant, mais inavouable, entre les objectifs d’une partie du patronat britannique et les souhaits de la majorité de la population. Alors que le rejet de l’immigration européenne a été l’une des raisons centrales de l’organisation du référendum, la plupart des entrepreneurs bénissent l’élargissement de l’UE et la liberté de mouvement des travailleurs au sein des 28pays membres. Depuis 2004, 1,46million de citoyens d’Europe centrale et orientale supplémentaires vivent au RoyaumeUni. « Les études estiment que ces migrants ont augmenté la main-d’œuvre nationale de 2 %, un chiffre loin d’être marginal», rappelle Douglas McWilliams, président du Centre de recherche des affaires et du commerce, un think tank très en vue. « Leur arrivée a transformé l’économie britannique et a maintenu le coût du travail à un niveau bas. » Un effet guère apprécié des travailleurs locaux. Les entreprises étrangères basées sur le sol britannique sont encore plus hésitantes à donner leur point de vue. Opérant principalement dans des secteurs de pointe, où travaille une main-d’œuvre qualifiée, elles ne sont pas concernées par la question de l’immigration, peu ou sous-qualifiée. Les Britanniques ne seront pas épargnés par les conséquences d’un Brexit. La bande de David Cameron ne cesse de le leur rappeler. Elle a tout d’abord martelé qu’une sortie de l’UE entraînerait une baisse sur deux ans de 3,6 % du PIB. Concrètement, chaque foyer dépenserait chaque année 220 livres (280 euros) de plus pour son alimentation en raison de la dépréciation de la livre sterling et de l’imposition de tarifs douaniers par l’UE. Les retraités perdraient entre 18 000 et 32 000 livres (23 000 et 41 000 euros) à cause de la baisse des prix de l’immobilier et de la valeur de leurs fonds de pension. Même le coût d’une semaine de vacances pour une famille de quatre personnes augmenterait de 230 livres (292 euros). Souci: ces affirmations reposent sur des supputations sans aucune substance, sur l’idée que les Vingt-sept se lèveraient comme un seul homme pour punir le Royaume-Uni d’avoir osé s’extraire du marasme européen. Et qu’au final les négociations avec l’UE traîneraient tellement que le pays se retrouverait dans deux ans dans un vide juridique, isolé et ignoré par le reste du monde.
Cette vision agace le député conservateur et ancien ministre des Affaires européennes (1994-1997) David Davis, l’un des eurosceptiques les plus médiatiques. «Jamais les pays de l’UE ne mettront en place des barrières tarifaires qui limiteraient les échanges commerciaux et qui, surtout, se retourneraient contre leurs entreprises, assène cet ancien homme d’affaires. Mercedes-Benz par exemple voudra toujours vendre des voitures sur le sol britannique, et le groupe fera le nécessaire pour que les dirigeants politiques allemands ne handicapent pas ses ventes. Tous ceux qui crient au loup nous promettaient déjà l’enfer il y a dix ans si nous n’adoptions pas l’euro. Cela en dit long sur la crédibilité de leurs menaces. » Malgré toute l’incertitude qu’engendrerait un Brexit, il est difficile de lui donner tort.
Alors que débute la saison estivale britannique, les grands patrons voudraient paraître sereins. Lors de l’inauguration, le 23 mai, de l’exposition florale de Chelsea, le premier grand événement d’une série de festivités qui se poursuivront avec les courses équestres d’Ascot, le géant de l’acier Lakshmi Mittal a croisé dans le flot des invités le magnat des médias Rupert Murdoch et un nombre incalculable de grands noms de la City de Londres. Malgré les sourires, les tenues de gala et le crépitement des flashs, dans les allées fleuries, les regards en coin et les discussions murmurées des banquiers, assureurs et dirigeants de hedge funds ont trahi leur inquiétude : le référendum du 23 juin affecte déjà leur activité. Comme nous l’a récemment expliqué un développeur immobilier désireux de rester anonyme, « de nombreux projets immobiliers importants, prêts à être lancés, ont été stoppés net depuis l’annonce de la date du référendum en début d’année. Les investisseurs les ont rangés dans leurs tiroirs en attendant le 23 juin ». Des faits corroborés par d’autres acteurs du secteur. Une poignée de jours plus tard, les statistiques officielles ont confirmé cette tendance.
Les investissements des entreprises britanniques ont reculé de janvier à mars 2016, comme au trimestre précé- dent. Une première depuis les difficultés enregistrées en 2012 après le lancement de la politique d’austérité du Premier ministre David Cameron. Signe que le deuxième trimestre 2016 sera du même acabit, le responsable du portefeuille des Finances, George Osborne, a revu sa pré- vision de croissance pour l’année 2016 largement à la baisse, de 2,4 % à 2 %. « Ce sont autant d’indications claires de la peur que ressentent les entreprises vis-à-vis des effets d’un Brexit », estime Joshua Mahony, analyste de la société de services financiers IG. «Et elles vous font vous demander à quoi la croissance et les investissements ressembleront si le RoyaumeUni devait quitter l’Union européenne…» L’économie britannique ralentit, mais les grands patrons commencent seulement à élever la voix pour exprimer leur appréhension. Tous craignent en effet, et en premier lieu le secteur des services, que leur prise de position contre le Brexit soit montée en épingle par la presse tabloïd et leur aliène de nombreux clients. Surtout que leur avis est loin d’être fédé- rateur. En direct à la télévision, Stuart Rose, l’ancien président du groupe Marks & Spencer, nommé leader du groupe de campagne officiel favorable au maintien au sein de l’UE, a admis il y a quelques semaines qu’une réduction de l’immigration entraînerait une baisse de la maind’œuvre et potentiellement une hausse des salaires. Avant d’ajouter : « Mais ce n’est pas forcément une bonne chose. »
Depuis, Stuart Rose n’est quasiment pas réapparu dans les médias. Le camp du maintien n’a sans doute pas apprécié que, par cette déclaration sortie du fond de son cœur, il ait exposé l’écart plus que jamais grandissant, mais inavouable, entre les objectifs d’une partie du patronat britannique et les souhaits de la majorité de la population. Alors que le rejet de l’immigration européenne a été l’une des raisons centrales de l’organisation du référendum, la plupart des entrepreneurs bénissent l’élargissement de l’UE et la liberté de mouvement des travailleurs au sein des 28pays membres. Depuis 2004, 1,46million de citoyens d’Europe centrale et orientale supplémentaires vivent au RoyaumeUni. « Les études estiment que ces migrants ont augmenté la main-d’œuvre nationale de 2 %, un chiffre loin d’être marginal», rappelle Douglas McWilliams, président du Centre de recherche des affaires et du commerce, un think tank très en vue. « Leur arrivée a transformé l’économie britannique et a maintenu le coût du travail à un niveau bas. » Un effet guère apprécié des travailleurs locaux. Les entreprises étrangères basées sur le sol britannique sont encore plus hésitantes à donner leur point de vue. Opérant principalement dans des secteurs de pointe, où travaille une main-d’œuvre qualifiée, elles ne sont pas concernées par la question de l’immigration, peu ou sous-qualifiée. Les Britanniques ne seront pas épargnés par les conséquences d’un Brexit. La bande de David Cameron ne cesse de le leur rappeler. Elle a tout d’abord martelé qu’une sortie de l’UE entraînerait une baisse sur deux ans de 3,6 % du PIB. Concrètement, chaque foyer dépenserait chaque année 220 livres (280 euros) de plus pour son alimentation en raison de la dépréciation de la livre sterling et de l’imposition de tarifs douaniers par l’UE. Les retraités perdraient entre 18 000 et 32 000 livres (23 000 et 41 000 euros) à cause de la baisse des prix de l’immobilier et de la valeur de leurs fonds de pension. Même le coût d’une semaine de vacances pour une famille de quatre personnes augmenterait de 230 livres (292 euros). Souci: ces affirmations reposent sur des supputations sans aucune substance, sur l’idée que les Vingt-sept se lèveraient comme un seul homme pour punir le Royaume-Uni d’avoir osé s’extraire du marasme européen. Et qu’au final les négociations avec l’UE traîneraient tellement que le pays se retrouverait dans deux ans dans un vide juridique, isolé et ignoré par le reste du monde.
Cette vision agace le député conservateur et ancien ministre des Affaires européennes (1994-1997) David Davis, l’un des eurosceptiques les plus médiatiques. «Jamais les pays de l’UE ne mettront en place des barrières tarifaires qui limiteraient les échanges commerciaux et qui, surtout, se retourneraient contre leurs entreprises, assène cet ancien homme d’affaires. Mercedes-Benz par exemple voudra toujours vendre des voitures sur le sol britannique, et le groupe fera le nécessaire pour que les dirigeants politiques allemands ne handicapent pas ses ventes. Tous ceux qui crient au loup nous promettaient déjà l’enfer il y a dix ans si nous n’adoptions pas l’euro. Cela en dit long sur la crédibilité de leurs menaces. » Malgré toute l’incertitude qu’engendrerait un Brexit, il est difficile de lui donner tort.