09/09/2018

L’affaire des Chinois de la DGSE

Soupçonnés d’avoir été retournés par les services de Pékin, deux anciens espions de la DGSE sont en détention provisoire dans l’attente de leur procès. Récit et révélations sur ces agents doubles.

A Versailles, à l’heure où les maîtres de maison veulent prolonger les soirées en proposant à leurs invités un dernier whisky — « un Akashi, tu verras, une pure merveille » —, une prune de Souillac ou un vieil armagnac, il est une histoire qui revient en boucle ces derniers temps et retient souvent jusqu’au mitan de la nuit les convives qui se cherchaient encore une excuse pour prendre congé de leur hôte. Cette histoire est digne d’un épisode du Bureau des légendes, cette série culte de Canal Plus qui met en scène des agents de la DGSE sous couverture. Elle mériterait même une saison inédite à elle seule. Le grand public l’a découverte partiellement, le 24 mai dernier, après que l’émission Quotidien (TMC) a révélé que des espions de la DGSE étaient soupçonnés d’avoir été retournés par les services chinois.

Mais dans la cité royale et ses alentours, l’affaire alimente la chronique mondaine depuis la fin du mois de décembre. Et pour cause... Pierre-Marie H., 66 ans, l’un des prévenus, a longtemps habité Virofay, une commune voisine avant d’être placé en détention à Fleury-Mérogis, le 22 décembre 2017, par la juge Nathalie Poux, pour “livraison à une puissance étrangère d’informations portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation”, en même temps qu’Henri M., 71 ans, incarcéré, lui, à la prison de Fresnes.

Amoureux de l’interprète chinoise de l’ambassadeur

Plusieurs articles de presse se sont fait l’écho du parcours et des déboires d’Henri M. Son nom apparaît pour la première fois, en 2010, dans les Diplomates, un livre écrit par notre confrère Franck Renaud, paru aux éditions Nouveau Monde. “Monsieur Henri” y apparaît sous les traits d’un agent de la DGSE. Il poursuit une carrière honnête au sein de la “Maison”, boulevard Mortier à Paris, et occupe notamment le poste de responsable du contre-espionnage opérationnel. Sa mission consiste alors à prévenir ou débusquer les tentatives de pénétration des services étrangers.

En 1997, ce diplômé des Langues, qui parle couramment le mandarin, est envoyé à Pékin. Il devient, dans le jargon propre à la DGSE, “totem”. En d’autres termes, Henri M. est promu chef de poste du service de renseignements en Chine. Il a alors 51 ans et part, sans son épouse qui travaille en milieu hospitalier, rejoindre l’ambassade de France pour coordonner les opérations de la DGSE dans l’empire du Milieu. Dans le cadre de ses fonctions, il a accès à de nombreuses informations privilégiées, sinon vitales. Il connaît notamment l’identité des clandestins français qui œuvrent sous couverture en Chine.

Il n’est pas en place depuis un an que Paris le rapatrie d’urgence, en février 1998. Le lieutenant-colonel M. est tombé amoureux d’une employée chinoise de l’ambassade de France, interprète de l’ambassadeur Pierre Morel. La DGSE la soupçonne de travailler pour le renseignement chinois et d’être régulièrement débriefée par les officiers du Guoanbu. Monsieur Henri est débarqué de “la boîte”. Mais aucune poursuite n’est alors engagée contre lui. Il reste cependant sous la surveillance de son ancienne maison et de ses collègues, qui suivent de près sa nouvelle carrière. Henri M. se lance dans l’import-export. En 2003, il retourne en Chine et se marie avec son interprète. Le couple s’installe sur l’île méridionale de Hainan. Selon Franck Renaud, il dirige alors un restaurant...

La vie de Pierre-Marie H. est en apparence moins romanesque et n’aurait pas mérité qu’on s’y attarde si nombre de ses amis n’avaient découvert, ces derniers mois, la face cachée de celui qu’ils pensaient connaître. Mi-décembre, au cours d’un banal contrôle des douanes à l’aéroport de Zurich, en Suisse, Pierre- Marie H. est arrêté à son retour du Sri Lanka avec une valise pleine de billets. Plus de 25000 euros en liquide, selon les informations que nous avons pu recueillir. La DGSE est prévenue. Le 19 décembre 2017, la DGSI, qui enquête depuis un an sur d’éventuels agents compromis avec une puissance étrangère, l’auditionne pendant quatre- vingt-seize heures dans ses locaux de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine).

Contrairement à Henri M., Pierre- Marie H. n’a pas fait d’études particulièrement brillantes. C’est à peine s’il a réussi à boucler une licence d’histoire. Mais, dans sa famille, il était acquis qu’à
sa génération les enfants n’avaient d’autre choix que d’embrasser la carrière militaire ou d’entrer au séminaire. Le sabre ou le goupillon. Son père était un notable apprécié de tous, vétérinaire dans les Yvelines. Il a transmis à ses fils une foi profonde et l’amour de son pays. Le premier de ses fils intègre Coëtquidan. Le deuxième revêtira la soutane et exercera son ministère dans le diocèse de Versailles. Pierre-Marie H., quant à lui, peine dans ses études universitaires. Jusqu’au jour où il confie à certains de ses proches, contre la plus élémentaire des prudences, qu’il a rejoint le Sdece, le Service de documentation extérieure et de contre-espionnage. Ses amis le considèrent comme un gentil « mythomane ». Mais lui y voit une reconnaissance, l’occasion de servir son pays. Écrasé par ses frères, « il existe enfin par le Sdece », assure une vieille connaissance, qui s’étonne que les services recrutent ce genre de profil.

C’est le début des années 1980. Pierre- Marie H. fait son apprentissage. En France, François Mitterrand est élu président de la République. Les socialistes s’installent au pouvoir. Pour cet homme de droite, la pilule est dure à avaler. Mais ses tocades, qui virent bien- tôt à l’obsession — Pierre-Marie H. voit des francs-maçons partout et s’inquiète régulièrement auprès de ses supérieurs de leur influence en France et dans le monde —, lui valent d’être vite placardisé. Pierre-Marie H. végète dans un bureau et s’inquiète de ne pas avoir la carrière qu’il pense mériter.

Les années passent, jusqu’au jour où les services de renseignements chinois le “tamponnent”. Son nom a-t-il été donné par Henri M., qui avait connaissance de ses fragilités? Une chose est certaine, Pierre-Marie H. a le profil de la cible idéale. Les Chinois se disent intéressés par ses connaissances des réseaux maçonniques. Il ne s’agit pas de trahir la France, mais de combattre un ennemi commun... Pierre-Marie H. finit par céder aux avances de ses interlocuteurs, d’autant plus facilement qu’il se sent enfin reconnu et que les services chinois le rétribuent grassement. Une à deux fois dans l’année, il quitte Paris pour l’île Maurice et retrouve son officier traitant chinois. Il revient en France, les valises chargées de billets. Pierre-Marie H. prend garde à ne pas mener grand train. Il se fait certes construire une cave à cigares et ne déteste pas s’offrir de bonnes bouteilles, mais il fait appel régulièrement à la solidarité familiale pour boucler, dit-il, des fins de mois difficiles. La DGSE, selon nos informations, l’avertit plusieurs fois, mais ne l’écarte pas de la “Maison”. Aucune sanction disciplinaire n’est requise contre lui. Lorsqu’il prend sa retraite de la DGSE, il n’en continue pas moins de voyager et de livrer occasionnellement des informations au Guoanbu...

D’autant qu’un jeune homme, M. B., passé par Saint-Cyr après avoir réussi Normal sup Cachan, fait irruption dans sa famille. Il est capitaine et termine son commandement d’escadron. Des camarades de promotion lui recommandent, compte tenu de son profl, de sa maîtrise des langues étrangères, de postuler à la DGSE. Il ne connaît personne dans la boîte. Une relation lui suggère de prendre langue avec Pierre-Marie H., le père d’une amie. Ce dernier le reçoit. Il en fait des tonnes, raconte sa vie d’agent comme s’il avait été sous légende. Il lui propose de le pistonner à la DGSE. Le capitaine est d’autant plus heureux qu’il tombe amoureux de la fille de Pierre-Marie H. Il ne peut se douter qu’il vient de frapper à la porte d’un agent double qui n’hésitera pas à le livrer à son officier traitant.

Une famille sous la surveillance de la DGSI


Au printemps 2017, selon nos informations, une première fois, gare de l’Est, alors que M. B. revient de mission, il est appréhendé par des gendarmes et emmené au secret. Le jeune homme croit à un exercice comme ceux auxquels sont rompus les agents de la DGSE. Pas question pour lui de rien dire, de révéler sa mission. Pendant trois jours, ceux qui le soumettent à la question tentent de le faire craquer. L’homme connaît sa partition. Il reste muet. Les gendarmes lui présentent les aveux signés de celui qui est devenu entre-temps son beau-père. Pierre- Marie H. reconnaît être un agent double à la solde des services chinois. Pour  M. B., ce n’est qu’un test. Un de plus.

Lorsque son calvaire s’achève, le capitaine ignore qu’en réalité il commence. Avant de quitter la DGSE, en 2017, avec le triste sort souvent réservé aux anciens patrons des services de renseignements, traînés dans des affaires judiciaires qui les dépassent, Bernard Bajolet a lancé une opération “mains propres”. Pour purger “la boîte” des éléments ayant failli ou ayant été compromis, Bajolet demande à François Molins, le procureur de la République de Paris, en charge notamment de l’anti-terrorisme, d’ouvrir une enquête pour intelligence avec une puissance étrangère...

La Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), seul service compétent pour diligenter des enquêtes judiciaires de contre-espionnage et de compromission, est saisie. Elle tire patiemment les files et remonte jusqu’à Henri M. et Pierre-Marie H. La DGSI a également dans son viseur l’épouse de ce dernier. Laurence H. est à la tête d’une société de conseil, depuis 2016, et accompagne souvent son mari à l’étranger. Enfin, la DGSI veille sur le cas du désormais commandant M. B.
Le 19 décembre 2017, M. B. est en stage avec sa promotion de l’École de guerre à Saumur quand des policiers débarquent, au petit matin, dans la caserne. Ils l’interpellent devant ses camarades de chambrée. Direction Levallois-Perret. Il est placé en garde à vue. Dans une cellule voisine, son beau-père est également entendu. Sa belle-mère, sa femme... Tous les membres de la famille, à tour de rôle, sont interrogés.

Si, six mois plus tôt, il était resté silencieux, convaincu qu’il s’agissait d’un exercice, dans les locaux de la DGSI, M. B. ne se fait pas prier pour répondre aux questions des enquêteurs. Il est accompagné d’un avocat, qui assurera à Valeurs actuelles n’avoir jamais vu un client aussi heureux que sa garde à vue se prolonge. Dans un métier où le silence est la règle, les occasions sont trop rares pour les agents de la DGSE de pouvoir parler sans contrainte. Il se sait délié de l’obligation du secret. À l’issue de quatre-vingt-seize heures de garde à vue, il est libéré. Aucune charge n’est retenue contre lui. Nathalie Poux, la juge, a appelé son chef de corps pour lui signifier qu’« il n’y a rien ». À la direction de la DGSI, on confirme la même version : « Il est blanc ! Totalement innocent ! ».

Mais, compromis par son propre beau-père avec une puissance étrangère, M. B. sait que sa carrière au sein de la “Centrale” est finie. Laurence H., sa belle-mère, quant à elle, a été mise en examen pour “recel des crimes et délits de trahison” et placée sous contrôle judiciaire. Une histoire de fous comme n’en avait pas connu Versailles depuis l’affaire Dupont de Ligonnès, mais dont les conséquences ne se limitent pas à l’animation des dîners en ville. À l’Élysée, où l’on ne craint pas de mettre en scène l’amitié nouvelle entre la France et la Chine et les liens que les deux pays se doivent de nouer, Emmanuel Macron sait qu’il lui faut aussi se méfier du double jeu de Pekin.


08/09/2018

Des carburants toxiques écoulés en Afrique

Les Pays-Bas confiment le scandale du Dirty diesel, organisé par les géants du pétrole vers l'Afrique de l'Ouest


Bientôt, peut-être, l’Afrique de l’Ouest cessera d’être intoxiquée par de l’essence et du diesel émettant de grandes quantités de particules fines exportés par des géants du négoce sans scrupule. C’est la fameuse «qualité africaine », comme disent les courtiers: des produits pétroliers de piètre qualité mélangés à des substances très chimiques dans les cuves de tankers décatis.

La teneur en soufre est entre 200 et 1000 fois supérieure aux normes européennes, les conséquences en matière de santé publique dévastatrices et les bénéfices pour les pétroliers considérables. Un scandale révélé par une enquête rigoureuse de l’organisation suisse Public Eye (ex- Déclaration de Berne) en septembre 2016.

Cette fois, ce n’est pas de la « propagande » d’ONG ou de militants écologistes passionnés, comme ont tenté de le faire croire certains tradeurs de grands groupes spécialisés dans la confection et l’exportation de ce « dirty diesel » invendable ailleurs qu’en Afrique.

« Mélangés autant que possible »

Dans un rapport officiel rendu public lundi 9 juillet, l’Inspection pour l’environnement humain et les transports des Pays-Bas note que « les carburants destinés à l’Afrique de l’Ouest sont mélangés autant que possible ».

A l’issue d’une enquête portant sur les cargaisons de quarante- quatre tankers en partance pour l’Afrique de l’Ouest, la police environnementale hollandaise constate l’usage « à grande échelle » de manganèse et de benzène, des substances hautement cancérigènes, ainsi que d’autres produits pétrochimiques interdits dans la majeure partie du monde. Elle note dans les carburants destinés à cette partie du monde « 300 fois plus de soufre qu’autorisé par les standards européens », recoupant les révélations de Public Eye.

Si les Pays-Bas ont diligenté cette enquête qui sera présentée au Parlement à une date qui reste encore inconnue et dont certains cas d’illégalité pourraient être transmis à la justice, c’est que près de 50 % des produits pétroliers exportés vers l’Afrique de l’Ouest partent des ports d’Amsterdam et de Rotterdam auxquels s’ajoute Anvers, en Belgique, selon les Nations unies (ONU). Les mélanges toxiques s’effectuent dans ces terminaux dotés de raffineries.

Le rapport d’enquête hollandais pointe une dizaine de géants du courtage pétrolier tels que les suisses Vitol et Gunvor, l’anglo-suisse Glencore ou encore Trafigura, et leurs filiales chargées des activités « aval » (raffinage, distribution, commerce). Mais également des grandes compagnies pétrolières comme Total et Shell citées parmi les principaux acteurs de ce mélange de produits pétroliers.

Parfois, par souci de discrétion, ces opérations sont réalisées en pleine mer, à quelques miles des côtes africaines et des mégapoles hyperpolluées où se concentrent une partie des 7 millions de personnes qui meurent chaque année à la suite de pathologies provoquées par la pollution d’un air trop chargé en particules fines, selon l’Organisation mondiale de la santé. Des métropoles comme Lagos et Dakar affichent des taux de particules fines supérieurs à ceux des villes d’Asie les plus polluées de la planète.

« La livraison de carburants toxiques à l’Afrique de l’Ouest n’est rien de moins qu’un scandale environnemental et de santé publique, a réagi le diplomate norvégien Erik Solheim, à la tête du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). L’idée que certaines parties du monde ne méritent pas la même protection sanitaire que les autres est tout simplement choquante. »

Et d’appeler les industriels à cesser de tirer le maximum de bénéfices des faiblesses des standards d’Etats en la matière, avec des teneurs en soufre autorisées variant de 2 000 à 5 000 parties par million (ppm) pour le diesel et entre 150 et 3500 ppm pour l’essence, contre des normes européennes fixées à 10 ppm depuis 2009.

Mais les choses sont en train de changer en Afrique de l’Ouest. Le Ghana, pays producteur de pétrole, a ouvert la voie en s’alignant sur les recommandations du PNUE. Depuis le 1er juillet 2017, ce pays anglophone n’importe plus que des carburants à faible teneur en soufre (maximum 50 ppm contre 3 000 ppm auparavant). Pour ce qui est de sa raffinerie nationale, Accra se laisse jusqu’à 2020 pour se conformer au nouveau standard.

Pressions des lobbys pétroliers

« Le Ghana a décidé un changement radical tout en ayant trouvé une solution pour sa raffinerie qui ne parvient pas à produire des carburants conformes à cette nouvelle législation, constate Marc Guéniat, de Public Eye. Plutôt que de fermer sa raffinerie, il l’oblige à mélanger sa production avec du carburant importé pour se conformer aux normes, ce qui peut être un modèle pour les autres pays de la région. »

Le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Nigeria et le Togo s’étaient aussi engagés à réduire drastiquement les limites de teneur en soufre des carburants autorisées et à mettre aux normes leurs vieilles raffineries d’ici à juillet 2017. Mais aucun n’y est parvenu à temps. La mise en application varie d’un pays à l’autre, en fonction des pressions des lobbys pétroliers et des risques de hausse des prix des carburants à l’importation qui se répercuterait sur le consommateur.

Pour le moment, la Côte d’Ivoire n’a pas vraiment engagé de réformes. Le Nigeria, géant pétrolier africain et premier importateur de carburants de la sous-région, devrait suivre l’exemple ghanéen, à son rythme. Ses raffineries ont jusqu’en 2021 pour s’adapter à la nouvelle limitation qui vient de passer de 3 000 ppm à 150 ppm pour le diesel, et sera appliquée en octobre 2019 pour l’essence, dont le processus est plus coûteux, comme l’a annoncé Anibor O. Kragha, le patron des raffineries au sein de la Compagnie pétrolière nationale du Nigeria (NNPC).

«Le premier virage vers une essence plus propre devrait coûter 11,7 millions de dollars [10 millions d’euros] par mois. La réduction [du soufre] dans le diesel devrait coûter 2,8 millions de dollars par mois », a-t-il indiqué. Les Etats semblent déterminés à se débarrasser des carburants toxiques jusque-là exportés par les géants du négoce pétrolier et à faire oublier la sordide « qua- lité africaine ».


07/09/2018

Dans le secret des nouveaux espions

DGSE- DGSI


En se concentrant sur la lutte contre le terrorisme, nos services de renseignements ont légèrement délaissé le contre-espionnage... désormais élevé au rang de priorité face à l’agressivité des Russes, des Chinois et des Américains. Enquête.

Nous sommes quelques semaines après l’élection d’Emmanuel Macron. L’ancien ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, à qui le nouveau président a demandé de prendre les rênes du Quai d’Orsay, rencontre pour la première fois à Paris son homologue russe, le 6 juillet 2017. La visite a un caractère sensible: la Russie de Vladimir Poutine a été accusée par Emmanuel Macron d’avoir voulu influencer le scrutin en sa défaveur. En cause, le piratage des serveurs de sa campagne, la publication des courriels de son équipe et l’action supposée des médias Russia Today et Sputnik contre lui, financés par le Kremlin.
L’objectif de cette première entrevue entre Le Drian et Lavrov est de faire le tour de l’actualité internationale, de la coopération franco-russe et, surtout, de toute évidence, de faire baisser la tension entre les autorités des deux pays. Sauf que les Russes n’ont pas vraiment associé les actes à la parole. Comme nous allons le révélé, les services diplomatiques français vont le comprendre en découvrant qu’un officier de sécurité de Sergueï Lavrov porte avec lui une étrange valise...
Après vérifcations, cette valise est en fait un IMSI catcher. C’est-à-dire une fausse antenne relais à laquelle les téléphones mobiles à proximité se connectent, avec la finalité d’aspirer tous les appels. Certains de ces appareils espions, de plus en plus utilisés par les services de renseignements, permettent aussi de consulter les SMS, parfois d’en envoyer et d’accéder aux connexions Internet de tous les téléphones situés dans le périmètre. En clair, les services secrets russes ont cherché à capter clandestinement les échanges téléphoniques et SMS de Jean-Yves Le Drian et de son entourage.

Ce dernier est médusé, mais poursuit la visite comme si de rien n’était, avec la plus grande prudence. D’autant que les proches du ministre français ont déjà expérimenté la violence des tentatives de pénétration russes depuis plusieurs mois... Un colonel de son cabinet, lorsqu’il occupait l’hôtel de Brienne, a été muté au Mali après avoir été “trop bavard” avec des Russes. Grâce à des intercep- tions, la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) est parvenue à prouver l’existence de rencontres discrètes entre ce colonel et un ofcier traitant russe. Les échanges auraient porté sur l’organisation du cabinet du ministre et celle de son ministère. « La difficulté est de savoir si la personne est pleinement consciente », fait valoir un militaire de la DGSE.
Toujours est-il que le procureur de Paris a ouvert une enquête pour suspicion de “trahison par intelligence avec une puissance étrangère, recueil d’informations en vue de leur livraison à une puissance étrangère, provocation directe au crime de trahison”.
Cela ne se passe pas toujours de cette façon... Parfois, les services proposent à la personne qui s’est fait “tamponner” (approcher et recruter) de se transformer en agent double. Car la règle est claire et commune dans tous les pays du monde: si un officier traitant est démasqué, ne pouvant plus agir clandestinement, il est rappelé dans son pays. Il arrive aussi que des espions soient échangés, comme ce fut le cas avec l’agent russe Anna Chapman, arrêtée en 2010 à New York.
Un pays peut enfin avoir intérêt à se servir d’une personne considérée comme ayant été tamponnée par un pays étranger pour faire passer des messages. C’est ce qui s’est passé avec un ancien secrétaire d’État de Jean-Pierre Rafarin, bien avant qu’il n’entre au gouvernement.

La mission de l’agent américain : tamponner des cibles de haut niveau L’histoire concerne un énarque de 32ans, maître de requêtes au Conseil d’État. Le jeune homme brillant, Henri Plagnol, rencontre en 1992 à l’occasion d’un cocktail à l’Unesco une Américaine de la côte est, tout aussi pétillante que lui et disposant d’un réseau parisien impressionnant. L’élégante Américaine, qui dit travailler à la fondation Dallas Market Center, se passionne pour tout ce qu’il raconte. Pas peu flatté, il reste en contact avec elle et la voit régulièrement.
Mary Ann Baumgartner est en réalité un agent de la CIA, ayant occupé des postes en Asie et en Afrique. La DST (Direction de la surveillance du territoire) la connaît depuis que François Heisbourg, un spécialiste du renseignement et des questions de défense, qui conseillera plus tard Emmanuel Macron, l’a identifiée comme une espionne quelques années plus tôt. La mission de l’agent: tampon- ner des cibles de haut niveau pour les faire agir au profit des États-Unis. Entre- temps et alors que la DST suit de près cette Américaine après avoir “sonorisé” plusieurs de ses rendez-vous parisiens, Plagnol est appelé au cabinet d’Édouard Balladur pour devenir son conseiller aux affaires culturelles. Ayant accepté, il continue de prendre des cafés avec l’Américaine, qu’il invite désormais, faute de temps libre, à... Matignon.
Pour la DST, c’en est trop. Ignorant tout, le conseiller est convoqué pour être mis en garde. Au bout de quelques semaines seulement, la sanction tombe: il doit retourner au Conseil d’État à cause de l’affaire. La DST lui propose alors de jouer... l’agent double. Se prêtant au jeu, il continue de voir l’agent illégal, qui lui demande de lui fournir des renseignements sur les positions de la France avant des négociations concernant le Gatt (accord général sur les tarifs douaniers et le commerce). Sur instruction de la DST, Plagnol s’amuse à lui livrer de fausses informations. L’affaire se conclura par l’identification de cinq agents de la CIA, dont le chef de poste à Paris, qui seront expulsés sans ménagements à la demande de Charles Pasqua.
Ces affaires d’espionnage organisées en France par la Russie et les États-Unis à des périodes espacées rappellent de manière criante que, même si les services de renseignements ont dû muer pour se concentrer sur le contre-terrorisme à la suite des tueries de Mohammed Merah en 2012, et surtout après les attentats de Paris en 2015, le contre- espionnage ne peut être laissé de côté. Pis, l’espionnage “à la papa” comme le décrit le criminologue Alain Bauer n’a pas disparu, il s’est amplifié.
Qu’il paraît loin le temps où, au lendemain de l’attentat contre le Bataclan, un ponte du renseignement affirmait: « Le problème de la DGSI [Direction générale de la sécurité intérieure], c’est qu’elle est encore en train de traquer les Popov. Ils sont complètement dépassés, tout ça, c’est fini, maintenant il faut basculer dans l’anti-terrorisme. »
Car l’ingérence russe en Europe est devenue bien plus agressive. La récente afaire Skripal est la parfaite illustration du retour des pratiques de la guerre froide. Tous les clichés sont contenus dans cette affaire. Le colonel du renseignement militaire russe (le GRU), Sergueï Skripal, commence à travailler secrètement comme agent double pour les Britanniques (le MI6) dans les années 1990 lors de l’effondrement de l’URSS et ce, jusque dans les années 2000. Pour sa trahison, le colonel est gratifié de 100.000 dollars. Rattrapé par le FSB en 2004, il est jugé pour haute trahison et emprisonné deux ans plus tard pour purger une peine de quinze ans. Il voit revenir la chance lorsque les Britanniques cherchent à le récupérer... et l’échangent contre des espions russes en 2010, après qu’il a été gracié par Dmitri Medvedev. L’ancien colonel décide alors de s’installer à Salisbury et de ne plus — trop — faire parler de lui... jusqu’au 4 mars dernier où sa fille Ioulia habitant Moscou lui rend visite. Ils sont alors empoisonnés au Novitchok, un poison chimique mortel déposé sur la porte d’entrée de l’appartement. Un produit inventé pour être quasi indétectable, dans les années 1970 en URSS.
Sauvés à temps, les deux vivent aujourd’hui sous protection policière. La signature, d’une violence absolue, apparaît comme une évidence : le GRU n’a jamais pardonné la trahison de son agent. Même si la tentative d’assassinat de l’ancien officier crée de vifs afrontements internes aux services de renseignements russes, principalement le GRU et le FSB — qui reproche au premier son irresponsabilité —, le message est clair: l’ensemble des agents russes est désormais prévenu. Les trahisons seront punies et il n’y a pas de prescription. Efficace. La Russie est bien de retour.

Vols de documents, infiltrations à l’Ena...
Par solidarité, plusieurs pays “amis” de la Grande-Bretagne expulsent 150 diplomates et espions russes de leur territoire. C’est ce que fera la France — officiellement —, en guise de représailles. En réalité, l’affaire est un prétexte unique au président français pour expulser cinq espions qu’il ne veut plus voir sur son sol depuis quelques mois. Car, dans le plus grand secret, le patron de la DGSI, Laurent Nunez, a présenté en décembre 2017 à Emmanuel Macron le dossier de « cinq officiers de renseignements russes trop actifs en France », rapporte l’Obs. Signe qu’il était temps de les voir partir: l’un d’eux sera promu général à son retour à Moscou. Les voilà tous expulsés. La Russie ne se privera pas de faire la même chose... en visant principalement des Français russophones.
À la Coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT) à l’Élysée, on reconnaît une véritable « agressivité » de l’espionnage russe sur le sol français: « En matière de contre-espionnage et d’espionnage économique, on a du grain à moudre en ce moment. » En France, de tous les services de renseignements, c’est la DGSI qui s’occupe des affaires de contre- espionnage. L’ancien patron du renseignement intérieur, Bernard Squarcini, explique: « Dans les affaires de compromission [les agents approchés par des pays étrangers pour être retournés, NDLR], la DGSI a une compétence exclusive car c’est le seul service du premier cercle disposant d’une compétence judiciaire », prenant soin au passage d’expliquer que « l’essentiel est de garder de bonnes relations avec les autres services ».

C’est pour cela que la DGSI a été chargée d’instruire l’affaire visant deux officiers de la DGSE, Pierre-Marie H. et Henri M. Dans cette affaire, les mauvaises langues ont beau s’amuser à évoquer un règlement de comptes de la DGSI contre ses “cousins” de la DGSE, il s’agit de la simple application des règles en vigueur. Squarcini explique: « La sous-direction du contre-espion- nage est chargée de détecter les attaques contre la DGSI, les autres services et leurs agents. Les plus offensifs sont les Chinois, les Israéliens, les Américains et les Russes. » Pour ces derniers, « le déclic s’est fait au moment de notre réintégration dans l’Otan, sous Sarkozy ».
Les Russes sont des boulimiques de toutes nos informations. Le vol de documents confidentiels des armées, du ministère de l’Intérieur pour le renseignement d’État mais aussi des entreprises pour le renseignement économique est leur spécialité. Ils n’hésitent pas à utiliser abondamment la ficelle du patriotisme et de la défense de la chrétienté pour séduire leurs interlocuteurs. Une technique fonctionnant assez bien dans les milieux classés à droite, notamment parmi les militaires et les policiers. À tel point qu’un service à la DGSI se consacre aujourd’hui exclusivement à la Russie.
Depuis quelques mois, les hauts fonctionnaires de la Place Beauvau et du Quai d’Orsay reçoivent à nouveau des formations régulières et des recommandations sur la question de l’espionnage russe, chinois et israélien. La DGSI forme aussi les parlementaires et les met en garde, notamment dans les groupes d’amitié dans lesquels ils peuvent développer le syndrome de Stockholm en voulant être bien vus par le pays “ami” et en livrant tout ce qu’ils savent. Les voyages sont souvent organisés dans des hôtels luxueux, et les parlementaires traités avec le plus grand soin par le pays d’accueil, amenés à s’exprimer dans des circonstances valorisantes et flatteuses... Une attention toute particulière est portée aux députés binationaux: « Certains ne savent plus trop où ils habitent et quel pays ils servent en premier. »
Enfin, la DGSI mène des sensibilisations dès qu’elle découvre des tentatives de pénétration ou de compromission dans tous les univers. Ont l’a ainsi appris: une cinquantaine d’entre elles ont été entravées par la DGSI depuis janvier. Une exception ou presque: « Il est particulièrement compliqué de dire à un journaliste qu’il se fait retourner ou qu’il est en train de se compromettre, c’est une profession de susceptibles... », nous indique-t-on avec sourire.

Car la DGSI suit avec soin les voyages de presse, les accréditation dans les ambassades et les réceptions: « Il est toujours intéressant de voir qui accepte de laisser son téléphone à l’entrée. »
« Il y a beaucoup d’infiltrations dans le milieu universitaire. L’Ena est considérée comme le graal par les services étrangers. Ils savent que c’est le lieu où leurs agents envoyés comme simples étudiants ou pour un stage ont le plus de chances de rencontrer les futurs ministres, voire le futur président », explique-t-on à la DGSI. Mais aujourd’hui, le secteur aéronautique, l’Otan, les ingénieurs, les agrégés de lettres et les étudiants en journalisme attirent tout autant les puissances étrangères.
« Un service a toujours peur d’être infiltré », révèle Bernard Squarcini. Le paradoxe c’est qu’« on a toujours besoin d’agents avec des compétences rares, comme des linguistes », poursuit-il. Les services étrangers le savent et poussent chaque année des dizaines de candidats pour occuper ces postes très recherchés. « Tout binational sera toujours considéré comme potentiellement suspect dans un service de renseignements », nous assure-t-on. Que se passe-t-il lorsqu’on a un doute sur quelqu’un ? « On déplace ou on écarte les mecs. Parfois ils ne le savent pas. Parfois ils s’en rendent compte. Ça devient alors compliqué. C’est pour cela aussi qu’un service de renseignements est lui-même très cloisonné en interne », précise une source de la DGSI. Mais les services ne peuvent pas surveiller tous leurs agents: « On ne peut pas forcément savoir ce que va dire un agent dans une ambassade pour faire le beau... Le problème, c’est le Networking. »
Dans le domaine économique, les Américains ne se fixent aucune limite Une autre puissance, la Chine, s’est professionnalisée en très peu de temps. L’entourage d’Emmanuel Macron le confie: « Elle s’intéresse à tout ce qu’on fait. Pendant des années, elle s’intéressait à l’industrie, aux brevets, au monde universitaire. Elle mène désormais des actions très offensives dans les milieux dirigeants. On ne compte plus les hommes politiques et les grands patrons faisant l’objet de tentatives de tamponnage.

Certains disent qu’on est paranos. Mais quand ils se rendent compte qu’ils perdent des marchés, il est trop tard... »
À la différence des autres pays, la Chine cultive une singularité qui la rend presque indétectable, nous indique-t-on: « Ils ne traitent jamais leurs agents directement sur le sol français. » En clair, c’est tou- jours depuis Pékin ou un pays tiers servant de base arrière qu’une action d’influence est entreprise. Autre signe distinctif, la Chine retourne souvent ses sources en organisant des voyages en apparence “propres”, avant de progressivement devenir plus offensive. À noter aussi qu’elle n’hésite pas à rétribuer ses sources avec d’importantes sommes d’argent... des conditions qui peuvent intéresser des espions français à la retraite. C’est sans doute le pays, avec les États- Unis, qui paie le plus.
En ce qui concerne les Israéliens et les Américains, « on aborde le sujet avec beaucoup de schizophrénie », assure une source à l’Élysée. Et pour cause: « On sait qu’ils veulent toujours vendre leur matériel au détriment du nôtre. Il suft de voir les batailles Boeing contre Airbus. S’ils sont très loyaux en matière de lutte contre le terrorisme, les deux pays n’ont pas toujours été fair-play en renseignement économique et en contre-espionnage. » Les Américains ne se fixent d’ailleurs aucune limite et n’hésitent pas à intercepter les communications de chef d’État, de ministre et de la haute administration de pays comme le nôtre.
« Depuis dix ans, la France a compris l’importance du renseignement. Paradoxalement, ce sont les attentats qui ont provoqué cette évolution, mais en termes de maturité, on en est encore à l’adolescence », conclut Philippe Hayez, ancien adjoint du directeur du renseignement de la DGSE. Le spécialiste le dit clairement: face aux offensives des puissances étrangères, la France a encore
du chemin à faire. Comme le souffle un cadre de la DGSE, « l’enjeu ultime, c’est que chaque Français se sente acteur de la protection de son pays dans tous les champs de sa vie.


PLUS DE 200 ESPIONS RUSSES CLANDESTINS EN FRANCE
Selon nos sources, les Russes disposent de deux catégories d’espions sur le territoire français. Les légaux, les 90 diplomates accrédités (sur une centaine au total) et une estimation de plus de 200 illégaux, c’est-à-dire des clandestins. Pour la Russie, la clandestinité constitue le “vrai” espionnage car c’est un investissement de long terme. « C’est très complexe quand on y pense de demander à quelqu’un de fonder sa vie dans un autre pays, de se marier, d’avoir des enfants et même d’essayer d’avoir la nationalité du pays pour les enfants », nous explique-t-on. Une situation bien décrite par la série captivante The Americans mettant en scène un couple d’espions russes et leurs deux enfants sur le sol américain. L. de R.


Les mystérieux liens chinois de Raffarin
Les relations très étroites de Jean-Pierre Rafarin avec la Chine ont récemment attiré l’attention de la DGSI, le service de renseignements français chargé du contre-espionnage et de la protection du patrimoine économique français. Dans le jargon, on dit qu’il “clignote”. L’intéressé l’avoue volontiers à Forbes: « Mon intérêt pour la Chine est ancien. J’ai été attiré par ses mystères. » Racontée dans la Vie en jaune, sept jeunes giscardiens en Chine populaire, l’histoire d’amour de Jean-Pierre Rafarin avec la Chine débute lors d’un voyage entre camarades giscardiens en 1976: « C’est parti: serrés les uns contre les autres, au fin fond de la Chine, sept Français un peu éméchés accompagnent les accents de camarades locaux capables de tenir une vingtaine de minutes sur les chansons populaires de chez nous. Tout y passera, y compris une tentative bilingue de l’Internationale. »
Et la lune de miel se poursuit depuis plus de quarante ans. En janvier 2018, lors de la première visite officielle d’Emmanuel Macron en Asie, Rafarin est évidemment du voyage. Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, lui remet même à cette occasion une lettre de mission de représentant spécial dans l’avion présidentiel. Depuis qu’il a quitté Matignon, en 2005, il n’a pas manqué un seul déplacement présidentiel à Pékin. Y compris durant le quinquennat de François Hollande qui avait pourtant nommé Martine Aubry au poste de représentante spéciale auprès des autorités chinoises. Depuis l’annonce en 2017 de son retrait de la vie politique, il peut se consacrer à ses nombreuses activités, dont le point commun se situe toujours dans l’empire du Milieu. Professeur à la CEIBS, une des meilleures écoles de commerce d’Asie, administrateur du holding chinois de Plastic Omnium,
un équipementier automobile, membre du conseil stratégique de la France China Foundation, une plate-forme de dialogue entre les leaders français et chinois (aux côtés notamment de Jacques Attali, Laurent Fabius, Édouard Philippe, Cédric Villani), Jean- Pierre Rafarin multiplie les déplacements sur place dans le cadre de sa Fondation prospective et innovation (FPI). Prônant un « grand basculement » des alliances économiques de la France de l’ouest vers l’est, il n’a de cesse de faire jouer ses nombreuses relations pour rapprocher l’Europe de la Chine. Certains se demandent aujourd’hui s’il n’est pas instrumentalisé. Et si oui, s’il l’est sciemment.


LA FRANCE EST AUSSI OFFENSIVE
Tous les mois, les services de contre-espionnage de la DGSI et de la DGSE évoquent le suivi de leurs sources et de leurs officiers traitants. Des dossiers sont montés à cette occasion pour essayer de recruter des agents étrangers afin d’en faire des agents doubles. « En ce moment, on cherche des Chinois et des Russes en priorité », précise un officier. L. de R.