26/02/2020

D’anciennes gloires des Affaires étrangères ne sont pas étrangères aux affaires...

Appâtés par de plantureuses rémunérations, beaucoup d’anciens ambassadeurs mettent leurs carnets d’adresses au service de boîtes françaises mais aussi — plus délicat — d’autres Etats.


PASSER du Quai d’Orsay au privé ? Pour les éminences du ministère des Affaires étran­gères, la commission de déontologie chargée de réguler le pantouflage se montre particulièrement... diplo­mate. Normalement, un ancien re­présentant de la France en Bordurie moldo-valaque devenu businessman n'a pas le droit de commercer avec ce pays pendant trois ans après la fin de ses fonctions. Mais la commis­sion ferme souvent les yeux. Surtout, comme le montrent les exemples qui suivent, lorsque l’intéressé porte à vie le titre rare et prestigieux d’ambassadeur de France.

Etats de services au service d’Etats

En quarante ans de carrière, Gé­rard Errera, 76 ans, a enchaîné les postes prestigieux : ambassadeur au Royaume-Uni, auprès de l’Otan à Bruxelles, secrétaire général du Quai d’Orsay. En 2009, quand il annonce qu’il prend la présidence de la filiale française du fonds géant d’investis­sement américain Blackstone, la commission de déontologie tamponne son visa.

Plus rare. Errera, ex-secrétaire gé­néral du Quai sous Bernard Kouch­ner, a accepté de siéger au comité consultatif de Huawei International. Autrement dit au service du gouver­nement chinois... Voilà donc un lobbyiste supplémentaire pour le cador des télécoms, qui à tout prix tente d’imposer ses équipements 5G en France et au-delà en Europe.

Carnet d’adresses dans la valise diplo

Moins voyante mais très rentable, l’arrivée de Loïc Hennekinne, 79 ans, ex-ambassadeur à Rome, au sein du conseil d’administration de l’assureur italien Generali, révélée par Vincent Jauvert dans « La Face cachée du Quai d’Orsay ».

Naguère ambassadeur en Haïti, l’ancien coordonnateur du Rensei­gnement Didier Le Bret, 56 ans, en pince quant à lui pour l’intelligence économique. Chez ESL & Network (qui compte parmi ses clients des Etats étrangers tel le Cameroun), « il a eu accès à des informations confidentiel défense, et cette reconversion ne semble choquer personne », s’of­fusque un expert de l’Afrique.

Une bonne dizaine d’ambassadeurs à la retraite se sont dotés de leurs propres structures de conseil aux en­treprises. Souvent lucratives... En 2018, JDL Conseil, la boîte fondée par Jean-David Levitte, 73 ans, l’ex-sherpa de Nicolas Sarkozy, a réa­lisé un chiffre d’affaires de près de 1 million d’euros. Celui d’Alain Azouaou Advisors s’élève en 2017 à 1,726 million. Son fondateur, Alain Azouaou, 67 ans, ex-ambassadeur aux Emirats arabes unis, n’a pas prê­ché dans le désert...

Pas plus que Bertrand Besancenot, 67 ans, qui durant neuf ans (un record) a dirigé notre représentation en Arabie Saoudite. Début 2019, il a créé la société Palmelys. Après les cheikhs, les provisions.

Jean-Marc Simon (Côte d’ivoire), Jean de Gliniasty (Russie) et Pierre Menât (Pays-Bas) avaient déjà ouvert la voie du business. Men­tion spéciale à Thierry Dana, 63 ans, pionnier du rétro-pantouflage diplomatique. Directeur Asie du Quai, puis représentant personnel du président Chirac à Pékin, il lance, en 2005, TD Conseil, destiné aux boîtes françaises souhaitant s’instal­ler en Chine.
Dix ans plus tard, il revient dans la carrière grâce à Laurent Fabius, oui le nomme ambassadeur au Japon. Banzai 

Visa pour les boîtes françaises

Ambassadeur au Japon, au Royaume-Uni, en Allemagne et en Chine, ex-conseiller diplomatique de Jacques Chirac, Maurice Courdault Montagne, 66 ans, rêvait d’une seconde vie. Le 19 décembre 2019, il a créé la société de conseil MGM-GO (Global Outlook). Avant d’être nommé le 20 janvier 2020 par le Gifen (syndicat professionnel des entreprises du nucléaire, dont EDF, Orano, etc. ) président du salon World Nuclear Exhibition. Il avait siégé au conseil d’administration d’EDF. Cela ferait-il de lui un éminent expert de l’atome ?

A peine ses trois années d’ambas­sadeur en Inde achevées, Alexandre Ziegler, 50 ans, ex-directeur de ca­binet de Laurent Fabius au Quai d’Orsay (2013-2016), s’est laissé en­rôler, le 29 août 2019, comme direc­teur des relations institutionnelles du groupe de défense Safran. Même garde-à-vous pour Marion Paradas, 59 ans, ambassadrice en Slovénie. En 2018, elle est devenue vice-pré­sidente du groupe d’électronique mi­litaire Thaïes.

Spécialisé dans le recyclage (écolo), le groupe Suez n’a pas eu de mal, en 2017, à convaincre Jacques Audibert, 59 ans, ex-sherpa de François Hollande, d’endosser le poste de se­crétaire général. De son côté. Ponant, propriété de François Pinault, a offert en 2018 à Bruno Joubert (69 ans), ancien ambassadeur du Maroc et conseiller Afrique de Chirac, un titre de « senior advisor pour les questions institutionnelles et internationales ». Un an plus tôt, l’armateur de porte-conteneurs CMA CGM avait embar­qué Georges Serre - 67 ans, am­bassadeur au Congo, au Cameroun et en Côte d’ivoire - , pour en faire son conseiller Afrique et relations institutionnelles.  Ces fins diplomates savent navi­guer à vue...

Un ambassadeur multi-passeport

CHRONIQUEUR au « Point » et sur France Inter, ex-ambassadeur à Tel-Aviv et à New York, Gérard Araud. 66 ans (dont trente-sept au Quai d’Orsay).travaille désormais pour une entreprise de sécurité in­formatique israélienne. Il a été re­cruté en septembre 2019 par NSO Group pour - on ne rit pas -
protéger les libertés (Libération, 31/10/19). Or NSO est poursuivi par WhatsApp pour avoir permis l’es­pionnage d’activistes, de journalistes et... de diplomates. Mais ce n’est pas tout ! Araud, qui, pendant la campagne de 2017, s’était rapproché d’Emmanuel Macron, a repris du service pour le compte de Richard Attias et Associates, une entreprise en partie irriguée par des ca­pitaux saoudiens. La boite corn et événementiel, fondé par Richard Attias et son épouse Cecilia ex Sarkozy a été chargé par le ministères des affaires étrangères de la logistique du sommet Afrique-France 2020. Lequel se tiendra en juin à Bordeaux en présence d’Emmanuel Macon et d’une cinquantaine de chefs d’Etat africains.
Son Excellence Gérard Araud s’y occupera-t-elle de la sécurité des relations avec la presse ou des échanges diplomatiques ?

01/02/2020

Infiltration des services secrets belge

Des espions vende des renseignements


Le Comité R s’inquiète de possibles infiltrations étrangères des services secrets belges et souhaite examiner comment ces derniers sont en mesure de détecter ces infiltrations.
Une vingtaine d’incidents potentiels ont été répertoriés et sont à l’analyse. Quinze se seraient produits au sein du Service général du renseignement et de la sécurité (SGRS), le service secret de l’armée belge. Cinq incidents concer- nent la Sûreté de l’État.

C’est en tout cas ce qu’affirmaient samedi les quotidiens De Tijd et L’Écho, sur base d’une réunion à huis clos qui s’est tenue en décembre dernier au Parlement belge.
Le Comité R y a fait référence à son dossier “infiltration”.

Des dossiers à l’enquête


Selon les deux quotidiens, le Comité R “souhaite vérifier comment nos services de renseignement gèrent la découverte d’indices permettant de supposer que certains membres de leur personnel sont peut-être sous l’emprise d’autres pays et services de renseignements”.

La porte-parole de la Sûreté, Ingrid Van Daele, déclare “qu’en ce moment, nous n’avons connaissance d’aucun cas d’infiltration effective de la Sûreté de l’État”.

Aucun cas nouveau d’espionnage potentiel n’est divulgué.

Les parlementaires ont été informés du cas d’un capitaine commandant du SGRS à qui l’habilitation “Secret” a été retirée et qui a été licencié.

Recruté en 2004, cet homme travaillait pour la division du Renseignement (Div I) du SGRS. Il travaillait aussi dans l’import-export. Il avait notamment de nombreux contacts avec la Russie, en particulier avec un oligarque.

Un autre dossier plus délicat est sous enquête au parquet fédéral. Il concerne la mise à pied d’un major soupçonné d’avoir transmis en 2016 des informations sensibles à la Russie par l’entremise d’une femme travaillant pour les services secrets serbes.