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20/10/2018

L’Arabie saoudite: un régime criminel

Le meurtre de Jamal Khashoggi est le décalque d’une action de propagande de l’État islamique


Mohamed Ben Salam
Un dictateur en Arabie saoudite qui assasine c'est citoyens partout dans le monde : Le roi Mohamed Ben Salam

Le prince héritier Mohammed ben Salmane et le Royaume qu’il dirige de facto bénéficient depuis longtemps de la mansuétude des démocraties occidentales en échange des ventes d'armes.

Mais après le meurtre de Jamal Khashoggi, il est impossible d’ignorer la nature profonde du régime.
En chimie, on appelle cela un précipité. Cela se produit lorsque la modification de la concentration de différents liquides ou l’adjonction d’un élément étranger « précipite » la formation d’éléments solides. L’affaire Khashoggi, qu’il faut sans doute appeler plus justement l’assassinat de Jamal Khashoggi, est un précipité qui révèle aux yeux de tous la véritable nature de la monarchie saoudienne sous la conduite du prince héritier Mohammed ben Salmane, et qui ne doit plus être ignorée par ses clients et partenaires occidentaux : celle d’un régime criminel.

Le meurtre d’un journaliste saoudien de soixante ans, connu des seuls spécialistes du Moyen-Orient, n’aurait pas du devenir un scandale international. Personne ne l’avait anticipé, et surtout pas l’homme fort de l’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, dit MBS. Depuis son irruption en 2015 en tant que ministre de la défense à l’âge de 29 ans, puis son accession au rang de prince héritier en 2017, c’est-à- dire premier successeur de son père le roi, il a pourtant accumulé les faux pas et les erreurs de jugement, dont certaines bien plus meurtrières que l’élimination de Jamal Khashoggi. Mais les conséquences de ses actes ne l’ont jamais rattrapé au point de le mettre en danger. Jusqu’à maintenant.

Pourtant, en dépit de ce bagage chargé qui aurait dû plomber n’importe quel dirigeant, MBS a continué de bénéficier de la mansuétude et du soutien affiché de la plupart de démocraties occidentales. Les ressorts (pas si) cachés de cette main perpétuellement tendue, on les connaît : le pétrole acheté, les armes vendues, et les investissements financiers juteux dans les deux sens auxquels il faut ajouter les promesses de réformes brandies par MBS qui, bien que fréquemment repoussées, lui servent de monnaie d’échange sur la scène internationale. Et, bien entendu, comme les gouvernements occidentaux ne cessent de le répéter depuis le 11 septembre 2001, la collaboration de l’Arabie saoudite dans la guerre contre le terrorisme a un coût qu’il faut payer en se taisant, comme on ingère un médicament dégoûtant...

Face au silence entourant ses actions criminelles, face à l’impunité dont il bénéficiait jusqu’ici, face même à l’admiration qu’il suscitait à l’étranger (cf. sa tournée américaine d’avril 2018 où il a rencontré tous les grands patrons et médias qui comptent dans un concert de louanges), Mohammed ben Salmane n’avait donc aucune raison de penser que faire disparaître un journaliste critique allait remettre en cause sa cote de popularité. Mais il a commis une erreur de calcul.

Contrairement à la Russie de Vladimir Poutine qui élimine ses opposants à l’étranger de manière discrète, sauf bavure façon Skripal, MBS a choisi de signer son crime. Comment expliquer autrement la disparition de Jamal Khashoggi dans son propre consulat alors que sa fiancée l’attendait à l’extérieur ? Soit c’est de la bêtise, ce qu’il ne faut pas complètement exclure, soit c’est un message. Mais l’erreur a été de le faire en Turquie. 

L’élément final du précipité, c’est la cruauté du meurtre de Jamal Khashoggi. Il est le décalque d’une action de propagande de l’État islamique ou de la décapitation de Daniel Pearl par Al-Qaïda, alors que l’occident est justement censé combattre l’obscurantisme et la violence islamiste de Daech ou des héritiers de ben Laden avec l’appui de Riyad. Ce que beaucoup pointent depuis longtemps, c’est-à-dire la porosité entre le terrorisme d’Al-Qaïda ou de Daech et l’alliance au cœur du régime saoudien entre la famille régnante et le clergé wahhabite, est exposé au grand jour.

Tout indique que le roi Salmane et son fils vont chercher un bouc émissaire pour porter le chapeau de cet assassinat en maquillant ce crime comme l’opération ratée d’un subordonné aussi zélé qu’incompétent. Ils veulent sauver la face : les chiens vont aboyer, mais la caravane du business doit passer.

Le monde des affaires a mis une dizaine de jours à comprendre l’enjeu, mais il a fini par se retirer progressivement et massivement du « Davos dans le désert », la grande conférence d’investissement prévue pour le 23 octobre à Riyad. Mais pour combien de temps avant de revenir par une porte dérobée, quand l’attention autour du sort de Jamal Khashoggi sera retombée ? On ne parierait pas sa chemise sur un désistement massif des businessmen vis-à-vis de l’Arabie saoudite. Qui dit pourtant qu’ils ne pourraient pas être victimes, à leur tour et plus discrètement, d’un règlement de comptes ordonné par MBS s’ils viennent à le contrarier ?

Quant aux leaders occidentaux, vont-ils continuer de s’afficher avec Mohammed ben Salmane ? De courtiser ses pétrodollars ? S’ils persistent, ce sera une nouvelle démonétisation de la parole politique, celle qui conduit inéluctablement à l’érosion des valeurs démocratiques. Cela reviendra à dire : « Ne croyez pas en nos discours. Nous prêchons les droits humains, la liberté et la morale dans les relations internationales, mais si jamais un défenseur de ces principes est assassiné sous nos yeux, nous ne bougerons pas le petit doigt et nos remontrances ne serviront qu’à amuser la galerie. »

Cela fait longtemps que les journalistes, les chercheurs et la plupart des diplomates sous le sceau de la confidence le disent : l’Arabie saoudite est un État criminel qui alimente le terrorisme islamiste, promeut les régimes autoritaires et régressifs (en Égypte, par exemple), martyrise ses femmes et sa jeunesse en lui refusant toute perspective émancipatrice, et contribue plus que de raison au changement climatique en raison de son addiction au pétrole. Il serait grand temps que les dirigeants français, américains, britanniques, allemands, etc le disent publiquement et arrête de faire des affaires avec un criminel par procuration.

13/12/2017

Un Léonard de Vinci dans les intrigues du Golfe


Un tableau à 450 millions d'euros


Après avoir servi d’arrière-plan à un roman à énigme, Da Vinci Code, l’œuvre de Léonard de Vinci est à l’origine d’un nouveau mystère, sur fond d’intrigues de palais dans le golfe Arabo-Persique: qui a acheté le Salvator Mundi (le «sauveur du monde»)? Cette toile attribuée au maître de la Renaissance, qui représente le Christ tenant une sphère de cristal dans sa main, est devenue à la mi-novembre la peinture la plus chère du monde. Lors d’une vente aux enchères chez Christie’s, à Londres, l’huile sur bois datée d’environ 1500 a atteint la somme mirobolante de 450 millions de dollars, écrasant le précédent record, détenu par Les Femmes d’Alger, de Picasso (179 millions de dollars). Une armada de limiers s’est alors précipitée sur la piste du richissime acquéreur, dont l’identité avait été tenue secrète.

La presse américaine a sorti un nom: Mohammed Ben Salman, dit « MBS », le prince héritier d’Arabie saoudite. S’appuyant sur une source ayant eu accès à un rapport des services de renseignement américain et une autre proche de la transaction, le New York Times et le Wall Street Journal ont affirmé que l’achat a été réalisé par un prince de second rang, Bader Ben Abdullah Ben
Mohammed Ben Farhan Al-Saud, en lien téléphonique avec Christie’s lors de la vente, mais agissant pour le compte de « MBS », dont il est proche.

Ces articles ont fait sourire. Le dauphin a fait de la réforme de la gouvernance saoudienne son port-étendard. C’est en son nom qu’il a imposé des mesures d’austérité, dont des coupes dans les subventions sur l’essence et l’électricité, et qu’il a lancé une purge anticorruption, ayant conduit à l’arrestation de deux cents dignitaires, accusés de détournement de fonds publics. Le numéro deux du
royaume s’affranchirait-il de la rigueur qu’il exige de ses sujets ? Affabulations, répond le gouvernement saoudien, qui a produit vendredi 8 décembre un document présentant le prince Bader comme un intermédiaire mandaté par le département de la culture et du tourisme d’Abou Dhabi. 

La branche du Louvre, ouverte début novembre dans la capitale des Emirats arabes unis, avait annoncé deux jours plus tôt que la peinture à un demi-milliard de dollars ornerait ses murs. Mais cette version ne convainc pas totalement. Interrogée par Reuters, la porte-parole de l’institution émirienne, tout en assurant que celle-ci a «acquis » le chef-d’œuvre, a refusé de confirmer qu’elle l’a « acheté ». Une nuance pas anodine. Selon le Wall Street Journal et le Financial Times, Salvator Mundi aurait bel et bien été payé par «MBS», par le biais du prince Bader, avant d’être offert à Abou Dhabi, dont le régent, Mohamed Ben Zayed, est le mentor du prince héritier saoudien. La thèse du « cadeau d’Etat à Etat » est avancée par les quotidiens économiques, pas totalement certains d’avoir le fin mot de l’histoire. Un imbroglio qui n’aurait pas déplu à Léonard de Vinci, l’homme du sfumato, ce style vaporeux, entremêlant ombre et lumière