Des chercheurs craignent qu’un procédé d’altération génétique des plantes puisse devenir une arme de guerre
Ce programme, financé à hauteur de 27 millions de dollars (23 millions d’euros) par l’agence pour les projets de recherche avancée de défense (Darpa) du département de la défense des Etats-Unis, prévoit d’utiliser des insectes pour modifier génétiquement des plantes.
Il a attiré l’attention des chercheurs par l’utilisation de nouveaux agents : les Horizontal Environmental Genetic Alteration Agents (HEGAAs). Il s’agit de virus qui ont été génétiquement modifiés pour les rendre capables de transformer les chromosomes d’une espèce cible, animale ou végétale. Ces agents vont permettre d’altérer l’ADN de certaines plantes directement dans leur environnement. Ils pourraient donc rendre une plante résistante à un certain pathogène en cours de saison.
« Cette technique est une nouveauté, explique Christophe Boëte, coauteur de l’article et chercheur à l’Institut des sciences de l’évolution de Montpellier. Pour l’instant, les plantes OGM portent les modifications génétiques voulues avant d’être plantées. Les agriculteurs, les producteurs choisissent donc les plantes modifiées en amont des semis. » Avec les HEGAAs, la possibilité de modifier des plantes par des interventions extérieures, à l’insu des agriculteurs, est bien plus grande selon les chercheurs.
Motivations pas si claires
Dans le cas d’une utilisation en agriculture, le programme pourrait être employé par exemple dans un champ de maïs atteint d’une maladie. Le recours aux HEGAAs permettrait de modifier la plante pour qu’elle résiste à cette maladie. Mais ce procédé pourrait également être utilisé à des fins offensives, pour détruire des cultures en envoyant sur des champs sains un virus qui décime une plante ciblée ou qui entraîne une stérilité des graines.
Mais le point le plus inquiétant de ce projet vient du moyen de dispersion. L’approche retenue par la Darpa exige que les virus ne soient pas transmis par des moyens traditionnels, tels que les pulvérisations, faciles à contrôler, mais par des insectes. Pucerons, mouches blanches ou cicadelles seraient ainsi envoyés sur les champs pour disperser les virus. Or, ces derniers sont par nature beaucoup plus difficiles à contenir sur la surface d’utilisation. L’emploi de ces insectes requiert de mettre en place de solides barrières biologiques pour ne pas contaminer des champs non concernés par le projet. La Darpa n’a depuis 2017, début du programme, effectué que des essais sous serre.
Pour les chercheurs européens, cette innovation dans les pratiques agricoles ne justifie pas le recours à des insectes. « Il aurait été parfaitement possible pour la Darpa de proposer que le développement de HEGAAs soit déployé avec un équipement de pulvérisation agricole, sans l’implication d’insectes », souligne Guy Reeves, premier auteur de l’article. Ils estiment que les motivations de la Darpa ne sont pas aussi claires que l’agence le laisse paraître. Avec Insect Allies, la Darpa souhaite, certes, améliorer l’agriculture, mais une motivation secondaire est brièvement mentionnée dans le rapport : l'utulisation de ce projet en tant que réponse défensive à des « menaces non spécifiées introduites par des acteurs étatiques ou non étatiques ». Ce qui pourrait inclure des attaques biologiques.
« Pire scénario possible »
Cette application défensive ne convainc pas les chercheurs européens. Selon Guy Reeves, « il est difficile d’imaginer que les agriculteurs américains ne bénéficieraient pas d’un équipement de pulvérisation par avions militai- res et civils dans l’éventualité de telles menaces artificielles. En outre, la capacité de pulvérisation est beaucoup plus rapide [à mettre en œuvre] que la production en masse d’insectes ».
Selon les chercheurs, il serait bien plus facile d’utiliser les HEGAAs comme arme offensive que comme pratique d’agriculture : « Il est possible de tuer ou stériliser une plante en perturbant un seul gène, explique Guy Reeves. Alors que modifier la résistance d’une plante nécessite l’insertion de nouveaux gènes. Or, il est mille fois plus facile d’éteindre un gène que d’en insérer un. »
L’approche de la Darpa reflète, par conséquent, « l’intention de développer un moyen de transmettre des HEGAAs à des fins offensives », selon M. Reeves et ses collègues, et si une telle approche devait être adoptée, des « simplifications basiques » pourraient être utilisées pour générer une nouvelle classe d’armes biologiques, facilement transmissibles grâce à la technique de dispersion par insectes.
«Ce programme peut être perçu comme un effort visant à développer des agents biologiques à des fins hostiles, poursuit Guy Reeves. Ce qui, si c’était avéré, constituerait une violation de la Convention sur l’interdiction des armes biologiques. » Cette convention, signée en 1972 par 175 pays, interdit le développement, la production, le stockage ou l’utilisation des armes biologiques.
Mais le chemin pour arriver à ces usages est encore long. « Les conséquences envisagées par les chercheurs européens sont très théoriques pour l’instant, tempère Jean-Christophe Pagès, président du Haut Conseil des biotechnologies. Ils exposent le pire scénario possible. Seule une approche au cas par cas, selon les outils utilisés, permettra de proposer les mesures adaptées. »
Mais selon lui, l’alerte est indispensable : « Cet article expose une position de chercheurs qui se posent des questions sur l’existence et le caractère adapté d’un encadrement législatif. Ce qui est tout à fait légitime et positif. » « Notre but aujourd’hui est d’ouvrir un débat constructif sur cette question, confirme M. Boëte. Ce qui pourrait aboutir à une réglementation internationale de régulation de ce genre de nouvelles techniques. »
« Cette technique est une nouveauté, explique Christophe Boëte, coauteur de l’article et chercheur à l’Institut des sciences de l’évolution de Montpellier. Pour l’instant, les plantes OGM portent les modifications génétiques voulues avant d’être plantées. Les agriculteurs, les producteurs choisissent donc les plantes modifiées en amont des semis. » Avec les HEGAAs, la possibilité de modifier des plantes par des interventions extérieures, à l’insu des agriculteurs, est bien plus grande selon les chercheurs.
Motivations pas si claires
Dans le cas d’une utilisation en agriculture, le programme pourrait être employé par exemple dans un champ de maïs atteint d’une maladie. Le recours aux HEGAAs permettrait de modifier la plante pour qu’elle résiste à cette maladie. Mais ce procédé pourrait également être utilisé à des fins offensives, pour détruire des cultures en envoyant sur des champs sains un virus qui décime une plante ciblée ou qui entraîne une stérilité des graines.
Mais le point le plus inquiétant de ce projet vient du moyen de dispersion. L’approche retenue par la Darpa exige que les virus ne soient pas transmis par des moyens traditionnels, tels que les pulvérisations, faciles à contrôler, mais par des insectes. Pucerons, mouches blanches ou cicadelles seraient ainsi envoyés sur les champs pour disperser les virus. Or, ces derniers sont par nature beaucoup plus difficiles à contenir sur la surface d’utilisation. L’emploi de ces insectes requiert de mettre en place de solides barrières biologiques pour ne pas contaminer des champs non concernés par le projet. La Darpa n’a depuis 2017, début du programme, effectué que des essais sous serre.
Pour les chercheurs européens, cette innovation dans les pratiques agricoles ne justifie pas le recours à des insectes. « Il aurait été parfaitement possible pour la Darpa de proposer que le développement de HEGAAs soit déployé avec un équipement de pulvérisation agricole, sans l’implication d’insectes », souligne Guy Reeves, premier auteur de l’article. Ils estiment que les motivations de la Darpa ne sont pas aussi claires que l’agence le laisse paraître. Avec Insect Allies, la Darpa souhaite, certes, améliorer l’agriculture, mais une motivation secondaire est brièvement mentionnée dans le rapport : l'utulisation de ce projet en tant que réponse défensive à des « menaces non spécifiées introduites par des acteurs étatiques ou non étatiques ». Ce qui pourrait inclure des attaques biologiques.
« Pire scénario possible »
Cette application défensive ne convainc pas les chercheurs européens. Selon Guy Reeves, « il est difficile d’imaginer que les agriculteurs américains ne bénéficieraient pas d’un équipement de pulvérisation par avions militai- res et civils dans l’éventualité de telles menaces artificielles. En outre, la capacité de pulvérisation est beaucoup plus rapide [à mettre en œuvre] que la production en masse d’insectes ».
Selon les chercheurs, il serait bien plus facile d’utiliser les HEGAAs comme arme offensive que comme pratique d’agriculture : « Il est possible de tuer ou stériliser une plante en perturbant un seul gène, explique Guy Reeves. Alors que modifier la résistance d’une plante nécessite l’insertion de nouveaux gènes. Or, il est mille fois plus facile d’éteindre un gène que d’en insérer un. »
L’approche de la Darpa reflète, par conséquent, « l’intention de développer un moyen de transmettre des HEGAAs à des fins offensives », selon M. Reeves et ses collègues, et si une telle approche devait être adoptée, des « simplifications basiques » pourraient être utilisées pour générer une nouvelle classe d’armes biologiques, facilement transmissibles grâce à la technique de dispersion par insectes.
«Ce programme peut être perçu comme un effort visant à développer des agents biologiques à des fins hostiles, poursuit Guy Reeves. Ce qui, si c’était avéré, constituerait une violation de la Convention sur l’interdiction des armes biologiques. » Cette convention, signée en 1972 par 175 pays, interdit le développement, la production, le stockage ou l’utilisation des armes biologiques.
Mais le chemin pour arriver à ces usages est encore long. « Les conséquences envisagées par les chercheurs européens sont très théoriques pour l’instant, tempère Jean-Christophe Pagès, président du Haut Conseil des biotechnologies. Ils exposent le pire scénario possible. Seule une approche au cas par cas, selon les outils utilisés, permettra de proposer les mesures adaptées. »
Mais selon lui, l’alerte est indispensable : « Cet article expose une position de chercheurs qui se posent des questions sur l’existence et le caractère adapté d’un encadrement législatif. Ce qui est tout à fait légitime et positif. » « Notre but aujourd’hui est d’ouvrir un débat constructif sur cette question, confirme M. Boëte. Ce qui pourrait aboutir à une réglementation internationale de régulation de ce genre de nouvelles techniques. »
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