09/11/2018

Un citoyen chinois en Belgique extradé vers les Etats-Unis

Xu Yanjun aurait cherché à obtenir des secrets industriels auprès de firmes aéronautiques d'apres le FBI

https://www.wcpo.com/news/local-news/hamilton-county/cincinnati/not-guilty-plea-entered-in-ge-aviation-espionage-case

La justice américaine a obtenu l’extradition d’un pseudo espion chinois accusé d’avoir tenté de voler des secrets aéronautiques civils à General Electric, qui fournit des moteurs à Boeing et à Airbus. "L’espion", Xu Yanjun, agent du ministère chinois de la sécurité d’Etat, avait été arrêté le 1er avril en Belgique, leurré par le FBI. Les autorités belges ont donné leur feu vert à l’extradition, qui s’est déroulée mardi 9 octobre.

Les extraditions sont rarissimes, parce que les Chinois soupçonnés se réfugient habituellement dans leur pays ou pratiquent le cyberespionnage. Le cas présent relève de l’espionnage classique : selon l’acte d’accusation américain rendu public mercredi 10 octobre, M. Xu a cherché à obtenir des secrets industriels à partir de 2013 auprès de firmes aéronautiques, dont General Electric. L’homme s’est fait passer pour vice-secrétaire général de l’Association pour la science et la technologie du Jiangsu. « Le client ne connaît pas notre identité », se réjouit M. Xu dans un message de décembre 2013, contenu dans l’acte d’accusation.

Pour soutirer de précieuses informations d'apres le FBI, il a invité un salarié de General Electric à faire une simple présentation en Chine en juin 2017 des dernières innovations technologiques de l’entreprise sur les lames et des matériaux de ses aéroturbines, le rémunérant 3500 dollars (3000 euros). Pendant l’hiver 2018, M. Xu demande communication de documents sur ordinateur. Il se montre impressionné et propose un déplacement en Europe, où l’employé lui permettra de copier le disque dur de son ordinateur. La rencontre a lieu le 1er avril, et M. Xu est arrêté.

Faire des exemples d'apres le FBI

Le détail du piège n’a pas été révélé, mais le FBI a fortement communiqué sur cette affaire. Ce cas «fait partie d’une politique de développement de la Chine aux dépens des Etats-Unis. Nous ne pouvons pas tolérer le vol de la puissance de feu de la nation et le fruit de notre savoir-faire. Nous ne tolérerons pas qu’un pays récolte ce qu’il n’a pas semé », a déclaré John Demers, assistant du procureur général pour la sécurité nationale. « Les accusations américaines sont du vent », a répondu jeudi le porte-parole de la diplomatie chinoise, Lu Kang.

La justice américaine cherche à faire des exemples en condamnant des espions. Dans cette période de fort sentiment antichinois, la presse regorge de cas. Cet été, le fabricant d’éoliennes chinois Sinovel a été condamné pour avoir volé au début de la décennie le logiciel de son fournisseur, American Superconductor, et s’est engagé à lui verser 57,5 millions de dollars.

Le dossier de l’espionnage économique était censé avoir été partiellement réglé sous le règne de Barack Obama, lorsque fut révélé en 2013 que l’armée chinoise organisait le cyberespionnage des industriels occidentaux, par le biais d’un groupe de hackeurs. L’année suivante, la justice américaine avait mis en accusation plusieurs militaires chinois – inextradables –, le président Obama avait haussé le ton et avait pu annoncer, en septembre 2015, aux côtés du président Xi, à Washington, que les deux pays cesseraient de se livrer à du cyberespionnage industriel.

L’accord a conduit à une réduction apparente de ces pratiques, mais l’heure n’est pas à la conciliation. Le 4 octobre, le vice-président américain, Michael Pence, s’est livré à une virulente diatribe contre Pékin, l’accusant de harceler la marine de guerre américaine en mer de Chine et d’interférer dans le processus électoral américain. Plus classiquement, il a aussi accusé la Chine d’organiser « le pillage généralisé de la technologie américaine ». Une analyse au fond partagée par les Européens et les Japonais, qui ont condamné, fin septembre, dans un communiqué commun avec les Etats-Unis, « le vol de secrets commerciaux et informations sensibles ».

La guerre commerciale débutée à l’hiver 2018 est un conflit à tiroirs. Le premier grief porté par Donald Trump concernait le déficit commercial bilatéral, qui s’explique par la faible capacité exportatrice des Etats-Unis et n’a pas de solution rapide. Le second conflit concerne les règles de l’Organisation mondiale du commerce, que la Chine ne respecterait pas en subventionnant ses entreprises et en forçant les entreprises américaines à transférer leur technologie aux Chinois pour opérer sur leur territoire. Pékin a fait mine de bouger, mais pas assez aux yeux de l’administration Trump, qui estime que ses prédécesseurs Obama et Bush fils se sont fait mener en bateau. Donald Trump a donc décidé de droits de douane qui frappent une Chine endettée et en ralentissement économique.

Mais ces conflits révèlent au fond un seul reproche, fondamental, contre les ambitions de leadership de Pékin, énoncées dans son plan Made in China 2025, dans les technologies du futur. Ce crime de lèse-puissance envers les Etats-Unis menace de faire tourner la guerre commerciale en guerre froide sino-américaine. L’annonce de l’arrestation de M. Xu intervient quelques heures après que le directeur du FBI, Christopher Wray, a jugé devant une commission du Sénat américain que la Chine constituait « la menace la plus vaste, la plus complexe, la plus durable ». « Par de nombreux aspects, la Russie lutte pour garder son rang depuis la chute de l’Union soviétique. Son combat est dans le présent. La Chine livre la bataille de demain », a commenté le patron du FBI.


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