Canberra veut lutter contre l’influence de Pékin sur ses élites
LE CONTEXTE :CAMPAGNE ANTI-PÉKIN
Chine Nouvelle a mis en garde, le 8 décembre, Canberra : « Il est temps pour l’Australie de décider quel type de relations elle veut avec la Chine. » L’agence officielle a souligné le développement des relations depuis le rétablissement des liens diplomatiques il y a quarante-cinq ans : le montant du commerce bilatéral s’est élevé, en 2016, à plus de 100 milliards de dollars, quelque 200 000 Chinois étudient en Australie... Mais, dans le même temps, dénonce-t-elle, des personnalités et des médias alimentent le « ressentiment envers la Chine ».
Alors que les accusations d’ingérence russe dans la politique américaine font les titres de la presse internationale, aux antipodes, Canberra s’est finalement décidée à prendre des mesures contre les interférences étrangères. Depuis des années, la Chine profite des failles de la législation australienne, qui autorise notamment les donations internationales à ses partis politiques, pour approcher les élites du pays afin de servir ses intérêts stratégiques. En mai, le chef du renseignement, Duncan Lewis, avait prévenu le Parlement que l’ingérence étrangère atteignait un « niveau sans précédent ».
Mardi 5 décembre, le gouvernement conservateur dirigé par Malcolm Turnbull a annoncé une série de propositions pour durcir son arsenal législatif. Très attendues, elles sont tombées en même temps que le sénateur Sam Dastyari. Surnommé « Shanghaï Sam », l’élu travailliste, qui a sombré dans une avalanche d’affaires illustrant jusqu’à la caricature les conséquences que pouvait avoir l’argent chinois sur la classe politique australienne, a annoncé sa démission le 12 décembre.
Le parlementaire a découvert les largesses dont pouvaient faire preuve des milliardaires chinois en rencontrant Huang Xiangmo, magnat de l’immobilier, installé à Sydney depuis 2011. L’homme, qualifié de « baleine » dans les cercles chargés de la collecte de fonds politiques, donnait sans compter aux grands partis du pays. Rien d’illégal. Mais, comme le révèlent des enquêtes de la chaîne de télévision ABC et du groupe médias Fairfax, Sam Dastyari, comme aveuglé par la générosité de ce proche de Pékin, a semblé oublier qu’il avait été élu pour défendre les valeurs et les intérêts de son pays.
Entre septembre 2016 et décembre 2017, les Australiens, médusés, apprennent pêle-mêle que le politicien est intervenu quatre fois auprès du ministère de l’immigration pour faire avancer la demande de naturalisation de M. Huang, qu’il aurait fait pression sur une responsable travailliste pour qu’elle renonce à rencontrer, à Hongkong, un militant prodémocratie mais aussi qu’il a tenu des propos faisant écho aux positions du Parti communiste chinois (PCC) sur le dossier ultrasensible des prétentions territoriales de Pékin en mer de Chine méridionale, contraires à celles de son pays. Cerise sur le gâteau, il a prévenu Huang Xiangmo que son téléphone avait probablement été mis sur écoute par les services de renseignement australiens.
La révélation de cette affaire suscite un tollé d’autant plus grand que, toujours selon les médias du pays, l’ASIO (le service de renseignements intérieur australien) s’intéresse effectivement au « tycoon » et à un autre milliardaire d’origine chinoise, Chau Chak Wing. Les deux promoteurs ont donné, en dix ans, 6,7 millions de dollars australiens (4,5 millions d’euros) aux trois grandes formations politiques du pays. Les services s’interrogent sur les liens opaques qu’ils entretiennent avec le PCC et mettent en garde, dès 2015, les responsables des partis concernés.
Parallèlement, les autorités australiennes soupçonnent Pékin de chercher à influer sur le processus de décision du pays en cooptant d’ex-responsables politiques qui bénéficient d’accès privilégiés au pouvoir. Ainsi, Huang Xiangmo a financé la création d’un Institut des relations Australie-Chine, dirigé par l’ancien ministre des affaires étrangères, Bob Carr. Quant à l’ex-ministre du commerce, Andrew Robb, il a été embauché comme consultant, pour le salaire annuel de 800 000 dollars australiens (plus de 510 000 euros), par Landbridge Group, une entreprise chinoise qui a fait parler d’elle en novembre 2015 quand elle a obtenu un bail de 99ans sur le port de Darwin.
Cet investissement dans une infrastructure stratégique avait suscité les critiques de Washington – dont l’Australie est un allié historique avec lequel elle collabore étroitement dans les domaines militaires et du renseignement – et provoqué une prise de conscience à Canberra, qui, jusque-là, raisonnait surtout en termes d’intérêts économiques. La Chine, qui a signé en 2015 un accord de libre-échange avec l’île- continent, est depuis des années son premier partenaire commercial. Elle achète plus d’un tiers de ses exportations et investit massivement dans un pays où elle envoie aussi par centaines des milliers d’étudiants et de touristes.
Mais alors que les révélations se sont multipliées ces derniers mois sur les interférences multiformes du PCC qui surveille aussi l’importante communauté chinoise installée « down under », les autorités australiennes « devaient faire quelque chose pour rappeler à la Chine que ce sont elles qui sont au pouvoir », estime Peter Jennings, directeur exécutif de l’Institut australien de stratégie politique.
Les nouvelles mesures annoncées par le gouvernement visent non seulement à interdire les donations étrangères mais également à étendre la définition d’espionnage et à obliger les anciens responsables politiques travaillant pour des entreprises étrangères à se déclarer. Néanmoins, le premier ministre s’est bien gardé de pointer un doigt accusateur vers la Chine. Une précaution vaine. Le régime a réagi avec virulence, dénonçant des accusations « totalement infondées », des « préjugés politiques » et une « paranoïa anti-chinoise ». Une réaction qui, selon Peter Jennings, montre que ces lois représentent une épine dans le pied de la stratégie pékinoise visant notamment à affaiblir la relation entre les Etats-Unis et leurs alliés traditionnels.
Dans le Livre blanc sur sa politique étrangère, publié fin novembre, Canberra a aussi mis en garde Washington contre son désengagement de la région indo-pacifique dans une période où « l’équilibre des forces est en train de changer ». « La prochaine décennie sera compliquée pour notre pays, car avec l’accroissement du pouvoir chinois, toute notre région du monde est en train de subir un changement sans précédent », indique le document.
Le parlementaire a découvert les largesses dont pouvaient faire preuve des milliardaires chinois en rencontrant Huang Xiangmo, magnat de l’immobilier, installé à Sydney depuis 2011. L’homme, qualifié de « baleine » dans les cercles chargés de la collecte de fonds politiques, donnait sans compter aux grands partis du pays. Rien d’illégal. Mais, comme le révèlent des enquêtes de la chaîne de télévision ABC et du groupe médias Fairfax, Sam Dastyari, comme aveuglé par la générosité de ce proche de Pékin, a semblé oublier qu’il avait été élu pour défendre les valeurs et les intérêts de son pays.
« Préjugés » et « paranoïa »
Entre septembre 2016 et décembre 2017, les Australiens, médusés, apprennent pêle-mêle que le politicien est intervenu quatre fois auprès du ministère de l’immigration pour faire avancer la demande de naturalisation de M. Huang, qu’il aurait fait pression sur une responsable travailliste pour qu’elle renonce à rencontrer, à Hongkong, un militant prodémocratie mais aussi qu’il a tenu des propos faisant écho aux positions du Parti communiste chinois (PCC) sur le dossier ultrasensible des prétentions territoriales de Pékin en mer de Chine méridionale, contraires à celles de son pays. Cerise sur le gâteau, il a prévenu Huang Xiangmo que son téléphone avait probablement été mis sur écoute par les services de renseignement australiens.
La révélation de cette affaire suscite un tollé d’autant plus grand que, toujours selon les médias du pays, l’ASIO (le service de renseignements intérieur australien) s’intéresse effectivement au « tycoon » et à un autre milliardaire d’origine chinoise, Chau Chak Wing. Les deux promoteurs ont donné, en dix ans, 6,7 millions de dollars australiens (4,5 millions d’euros) aux trois grandes formations politiques du pays. Les services s’interrogent sur les liens opaques qu’ils entretiennent avec le PCC et mettent en garde, dès 2015, les responsables des partis concernés.
Parallèlement, les autorités australiennes soupçonnent Pékin de chercher à influer sur le processus de décision du pays en cooptant d’ex-responsables politiques qui bénéficient d’accès privilégiés au pouvoir. Ainsi, Huang Xiangmo a financé la création d’un Institut des relations Australie-Chine, dirigé par l’ancien ministre des affaires étrangères, Bob Carr. Quant à l’ex-ministre du commerce, Andrew Robb, il a été embauché comme consultant, pour le salaire annuel de 800 000 dollars australiens (plus de 510 000 euros), par Landbridge Group, une entreprise chinoise qui a fait parler d’elle en novembre 2015 quand elle a obtenu un bail de 99ans sur le port de Darwin.
Cet investissement dans une infrastructure stratégique avait suscité les critiques de Washington – dont l’Australie est un allié historique avec lequel elle collabore étroitement dans les domaines militaires et du renseignement – et provoqué une prise de conscience à Canberra, qui, jusque-là, raisonnait surtout en termes d’intérêts économiques. La Chine, qui a signé en 2015 un accord de libre-échange avec l’île- continent, est depuis des années son premier partenaire commercial. Elle achète plus d’un tiers de ses exportations et investit massivement dans un pays où elle envoie aussi par centaines des milliers d’étudiants et de touristes.
Mais alors que les révélations se sont multipliées ces derniers mois sur les interférences multiformes du PCC qui surveille aussi l’importante communauté chinoise installée « down under », les autorités australiennes « devaient faire quelque chose pour rappeler à la Chine que ce sont elles qui sont au pouvoir », estime Peter Jennings, directeur exécutif de l’Institut australien de stratégie politique.
Les nouvelles mesures annoncées par le gouvernement visent non seulement à interdire les donations étrangères mais également à étendre la définition d’espionnage et à obliger les anciens responsables politiques travaillant pour des entreprises étrangères à se déclarer. Néanmoins, le premier ministre s’est bien gardé de pointer un doigt accusateur vers la Chine. Une précaution vaine. Le régime a réagi avec virulence, dénonçant des accusations « totalement infondées », des « préjugés politiques » et une « paranoïa anti-chinoise ». Une réaction qui, selon Peter Jennings, montre que ces lois représentent une épine dans le pied de la stratégie pékinoise visant notamment à affaiblir la relation entre les Etats-Unis et leurs alliés traditionnels.
Dans le Livre blanc sur sa politique étrangère, publié fin novembre, Canberra a aussi mis en garde Washington contre son désengagement de la région indo-pacifique dans une période où « l’équilibre des forces est en train de changer ». « La prochaine décennie sera compliquée pour notre pays, car avec l’accroissement du pouvoir chinois, toute notre région du monde est en train de subir un changement sans précédent », indique le document.
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